Cinquième Dimanche du T.O.

Cette histoire présente tout un renversement de situation. Et cela pourrait nous arriver à nous aussi. Quelqu’un se joint à notre chemin, et voilà que, plus tard, c’est nous qui nous mettons à le suivre sur son chemin à lui…

 

Ici Jésus est au bord du lac ; beaucoup de monde, une foule, l’écoute. Il trouve plus commode de prendre un peu de distance pour pouvoir s’adresser à tous. Il monte dans une barque qui appartenait à un certain Simon. Or, au final de l’histoire, ce même Simon laisse tout là pour se mettre à suivre Jésus.

 

Jésus s’était embarqué avec Simon, et voilà que Simon s’embarque avec Jésus.

 

Que s’est-il donc passé ? Deux paroles de Jésus conduisent à ce retournement de situation. Elles commencent  d’ailleurs toutes deux par le même verbe : va vers le large ! La première fois, il ne s’agit que de s’éloigner un petit peu du rivage, et ce n’est qu’un petit service à rendre. La deuxième fois, il s’agit de gagner vraiment le centre du lac ; le problème est que Jésus précise sa demande :        que Simon, tout juste revenu bredouille de sa pêche, reparte au milieu du lac tenter à nouveau sa chance. Simon a de quoi objecter et il objecte, mais il obéit.

 

Dans nos histoires à nous, Jésus est embarqué aussi. Au moins depuis le jour de notre baptême. Plus tard, un autre jour, à l’heure qu’il veut, il s’est glissé près de nous et nous a adressé la parole pour une petite chose. De quoi cheminer ensemble ; c’est ce qui arrivera aussi, en fin du même évangile de Luc à Cléophas et son compagnon rejoints par un autre voyageur.

 

Plus tard encore, Jésus peut prendre la parole à nouveau. Sa proposition aura alors toutes les allures de celle faite à Simon. Une demande déraisonnable, ridicule même aux yeux d’un homme un minimum réaliste. Elle ne peut valoir qu’à cause de Jésus lui-même : à cause de Jésus s’adressant à Simon, à cause de Jésus s’engageant vis-à-vis de Simon.

 

De tels risques, Jésus est coutumier. On le voit dans l’histoire des saints, ceux du passé et ceux d’aujourd’hui. Mais nous le voyons aussi dans nos vies. S. Benoît, par exemple, a prévu le cas dans sa Règle pour les moines : il finit toujours par arriver un jour où le moine se voit demandé des choses dures à avaler ou impossibles, et Benoît conclut : « par charité, confiant dans le secours de Dieu, il obéira ». Le moine naviguera avec pour seul appui sa foi dans le secours de Dieu.

 

Le moine n’a pas, bien sûr, le monopole de ces situations. Tout chrétien rencontre de ces jeux de circonstances où le Seigneur lui propose un saut, un vrai saut dans le vide aux yeux de la raison, mais, pour le cœur à l’écoute, un saut dans la confiance du Seigneur, lui qui multiplie en un clin d’œil les poissons ou les pains, lui qui sème la confiance et l’amour et les fait lever irrésistiblement sur notre terre ingrate, aussi irrésistiblement que lui-même a été relevé d’entre les morts par son Père et notre Père.

 

 

 

Nous sommes pleins de ressources pour laisser se perdre la voix de Jésus. Mais Lui ne nous lâche pas au fil de notre existence ; il sait dire à son heure : « Avance au large, et jette les filets ! » Pour sa parole dans la vie de l’Église et dans nos vies, ce matin nous rendons grâces.

 

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