Vingt-cinquième Dimanche

Il donna à chacun un denier.

Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : nous étions en grande fête !
Qui sème dans les larmes moissonne dans la joie :
il s’en va, il s’en va en pleurant, il jette la semence ;
il s’en vient, il s’en vient dans la joie, il rapporte les gerbes. (Ps 125)

Telle était l’ambiance des ouvriers journaliers lorsque ce Psaume 125 fut composé.  Ce n’est plus le cas lorsque Jésus se promenait sur les bords des rives du lac de Galilée.  Du temps du Psaume, les ouvriers accouraient pour travailler et étaient sûrs de recevoir leur salaire.  À l’époque de Jésus la pauvreté était telle que les ouvriers ne venaient que s’ils étaient effectivement appelés par le maître de la vigne, et que celui-ci avait convenu d’un « juste salaire ».  C’est pourquoi il restait encore des ouvriers désœuvrés en fin d’après-midi, auxquels il pose la question :
Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ?

C’est donc un fait divers ou une réalité du quotidien de ses auditeurs que Jésus utilise pour parler d’une autre réalité.  On peut imaginer que le maître a dit à chacun des ouvriers embauchés : je te donnerai ce qui est juste.  On peut comprendre alors que les derniers à recevoir le juste salaire s’insurgent contre ce qu’ils estiment être une injustice, et c’en est une aux yeux des hommes, aux yeux de la loi, aux yeux de notre mentalité purement humaine. 

Nos lois sont faites pour que la vie en société soit paisible, malgré le fait que ceux qui ont, cherchent à avoir toujours plus ; et ceux qui n’ont rien, se battent pour vivre, parfois pour survivre.  L’ambition de l’un est trop souvent au détriment de l’autre, dans toutes les sociétés humaines, dans toutes les cultures. 

Dans la parabole du maître de la vigne, Jésus s’insurge contre cela.  Il présente à ses auditeurs, il nous présente à nous aujourd’hui un autre mode de vie, une autre société.  Jésus est venu annoncer que le Règne de Dieu est tout proche.  Ce Règne est celui de l’amour mutuel, du respect de la personne et de l’entente entre tous.  Ce Règne était concrétisé par Jésus lui-même dans ses enseignements et dans sa manière de se comporter devant ses contemporains.  Il mange avec les publicains et les pécheurs, sans leur demander d’attestation de vie vertueuse.  Il multiplie les pains et les poissons pour que les gens ne partent pas l’estomac vide.  Il enseigne sans compter et annonce un Royaume d’amour et de paix. 

Après la résurrection de Jésus, les Actes des Apôtres nous rapportent comment les premières communautés chrétiennes mettaient tout en commun et que personne ne manquait de rien, chacun recevant ce dont il avait besoin.  C’est sur l’exemple de ces « sommaires » quelque peu idéalisés des premiers chrétiens, que la plupart des communautés religieuses se sont inspirées pour organiser leur vie commune. 

Mais nous pouvons en dire autant de toutes les communautés chrétiennes, les paroisses, les groupes de tous genres, jusques et y compris les familles.  Jésus nous a enseigné un nouveau mode de vie, dans le respect mutuel, l’amitié et la bienveillance réciproques.  Mais le péché est toujours présent dans nos cœurs, ce qui fait que nous avons du mal à vivre vraiment selon les enseignements du Christ.  Nous y tendons, mais parfois le « vieil homme » reprend le dessus et nous réagissons de manière purement humaine, voire agressive.  C’est le péché en nous, le démon qui cherche à nous éloigner de Dieu, à empêcher le Règne de Dieu d’advenir. 

En fait, le Règne de Dieu ne deviendra réalité pour tout le monde qu’après notre mort.  Alors nous serons tous réunis dans les cieux avec Dieu Trinité, avec les anges et les saints.  Là, l’harmonie sera parfaite, et tous nous chanterons les louanges de Dieu :
il s’en vient, il s’en vient dans la joie, il rapporte les gerbes.

Au ciel, la récompense de nos labeurs ne sera pas plus ou moins grande selon nos mérites ou nos performances, elle sera la même pour tous et chacun.  Car, au ciel, il n’y a pas de premiers et de derniers, pas de places réservées et de strapontin pour les mauvais élèves.  Il n’y a qu’une seule récompense, voir Dieu pour toujours et vivre dans son Amour.  C’est pour cela que le Maître dans la parabole répond aux grincheux :
Je veux donner à ce dernier autant qu’à toi :
n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon bien ?
Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que moi, je suis bon ?

Oui, le Seigneur est vraiment bon, Lui qui nous donne tout son Bien, Lui qui nous donne en partage la vie éternelle.  Avançons joyeux à la rencontre de notre Seigneur, dans cette Eucharistie, en devinant petit à petit la grande récompense qui nous attend, lorsque nous serons invités à entrer dans sa joie pour l’éternité.

Père Bernard-Marie

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