Solennité de l’Immaculée Conception de Marie

Marie, la Nouvelle Ève.

Saint Bernard est connu entre autres par son Traité de l’Humilité et de l’Orgueil.  Il y met en parallèle, on devrait plutôt dire en opposition, les 12 degrés de l’humilité de Saint Benoît avec les 12 degrés de l’orgueil.  Le premier degré d’orgueil est la curiosité.  Tandis que Saint Benoît présente le 12ème degré d’humilité où le moine a toujours les yeux baissés et se reconnaît pécheur, Saint Bernard décrit la curiosité du moine : il laisse errer ses regards.  N’importe où, qu’il soit debout, en marche, assis, il dresse la tête, tend l’oreille (RB 7,62-63 – Hum X,28). 

Un peu plus loin, dans ce même Traité de l’Humilité, Saint Bernard nous explique : le premier péché fut un péché de curiosité que perpétrèrent Lucifer et ses anges, eux qui habitaient le Paradis de Dieu, le ciel :
Je te vois, je t’aperçois, fouillant curieusement je ne sais quels abîmes au-dessus de toi.  « Je placerai mon trône vers l’aquilon » (Is 14,13).  Devant tous les autres habitants des cieux, voilà que tu prétends aller trôner tout seul, troublant ainsi la concorde de tes frères, la paix de toute la patrie céleste, et même, autant qu’il est en toi, le repos de la Trinité.  Malheureux !  Jusqu’où va ta curiosité, pour que tu n’hésites pas, dans ton audace, à faire ce scandale à tes pairs, cette injure au roi ?  (Hum 31)

Après ce péché d’orgueil, Lucifer et ses anges sont rejetés du ciel, sur la terre, où il leur est seulement permis de tenter d’enflammer des ardeurs de sa méchanceté les enfants d’orgueil qu’il trouvera (Hum 36).  C’est ainsi que l’ange de malheur prit l’apparence du serpent dans le Jardin d’Eden pour tenter nos premiers parents, Adam et Ève.  La curiosité qu’il insuffla en Ève lui fit désirer de manger du fruit défendu, en disant :  
Le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux,

C’est l’orgueil, c’est également la curiosité, l’envie pour Ève de devenir ce qu’elle n’est pas.  Devenir dieu, alors que nous ne sommes que de faibles créatures.  Et lorsque le Seigneur lui demande si elle a mangé du fruit de l’arbre, Ève dit :
Le serpent m’a trompée et j’ai mangé.

C’est ainsi que le péché entra dans le monde.  Après avoir maudit le serpent,
Dieu expulsa l’homme, et il posta, à l’orient du jardin d’Éden,
les Kéroubim, armés d’un glaive fulgurant, pour garder l’accès de l’arbre de vie. (Gn 3,5…24).

Telle est la situation de l’humanité depuis les Origines. Nous avons chacun de nous les traces du péché originel qui nous empêche d’être tout à Dieu et de ne pas tomber dans le péché.  Dieu chercha ensuite une personne qui ne succomberait pas aux sirènes de Lucifer, à l’orgueil de la curiosité ou à tous les autres péchés qui nous poursuivent. 

Nous sommes actuellement dans le Temps de l’Avent, période durant laquelle l’Église se rappelle comment Dieu prépara progressivement le Peuple à la venue en notre monde du Fils de Dieu.  Dès lors que le Peuple était dans l’attente, il fallait encore trouver une femme, la Nouvelle Ève, qui ne succomberait pas aux suggestions du serpent.  C’est à Marie que fut confiée cette tâche.  C’est pourquoi, Dieu préserva Marie de la faute originelle, afin qu’elle soit vraiment la Nouvelle Ève, pure et sans péché, sans la tache du péché originel.  C’est ce que nous rappelait l’oraison d’ouverture de cette célébration : Dieu l’a préservée de tout péché par une grâce venant déjà de la mort de son Fils.

On peut imaginer que le démon se rendit compte de la grâce faite à Marie.  Il s’imagina qu’il pourrait la faire tomber comme il avait fait tomber Ève.  Mais Marie était tellement humble, qu’elle ne chercha aucunement à accaparer quelque fruit défendu que ce fût. 

Dans les représentations de la Vierge Marie, nous la voyons toujours en prière, en train de lire la Bible, les yeux baissés en signe de soumission à la Volonté de Dieu.  Ce n’est que lorsque l’Ange Gabriel lui parle qu’elle lève les yeux au ciel pour répondre : Voici la Servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta Parole. 

Toute sa vie, Marie répéta cette parole qu’elle avait adressée à l’ange.  Elle ne s’en départit jamais, quoique sa vie ne fut pas facile et les épreuves abondantes.  C’est son humilité qui l’empêcha de répondre aux avances du démon, lorsque celui-ci, comme à Ève jadis, lui suggéra qu’en tant que Mère du Messie, elle avait le droit de se placer au-dessus des autres hommes. Non, Marie resta à sa place de femme du peuple, soumise et obéissante à la Parole de Dieu et à la Parole, son Fils.  C’est par son humilité, par son acquiescement constant à cette Volonté, que Marie reçut la grâce d’être assise désormais sur le trône à côté de son Fils dans le Ciel. 

Demandons au Seigneur, par l’intercession de Marie sa Mère Immaculée, de Saint Benoît et Saint Bernard, de vivre dans l’humilité pour ne pas tomber dans les filets de l’orgueil.  Gardons les yeux baissés, attentifs à correspondre toujours davantage à la Volonté de Dieu sur nous.  Que Dieu notre Père et Jésus-Christ, dans cette Eucharistie, nous exauce et nous comblent de grâces pour avancer sur les traces de la Vierge Immaculée.

Père Bernard-Marie

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