Premier Dimanche de Carême

Jésus s’en va au pays de Satan. Il n’a pas loin à aller, nous le savons tous très bien. Là Satan le tente de trois façons : Ordonne que ces pierres se changent en pains ; Prosterne-toi devant moi et tu auras tous les royaumes du monde ; Jette-toi en bas, Dieu te sauvera.

 

L’ordre de succession de ces trois tentations n’est pas anodin. Elles sont de plus en plus impressionnantes.

 

Relisons ce petit mémoire de stratégie diabolique.

 

Premier assaut : Satan offre le pouvoir sur, disons, les choses matérielles, sur toute la nature. Un petit geste, un mot seulement, et voilà les pierres changées en pains ! Une domination de la matière tout à fait intéressante. Un brin magique, bien sûr : comment en serait-il autrement à l’ombre de Satan et de tous les démons, ses petits serviteurs ?

 

Ensuite, mieux encore : le pouvoir sur les hommes ! N’est-ce pas le rêve que de s’asseoir sur un trône ou de s’installer sur une quelconque haute tribune d’où l’on domine et d’où l’on a barre sur tous les royaumes de la terre ? Les avoir dans sa main, à sa botte, tous, vraiment tous, toujours à disposition, à l’instant même ?

 

Mais Satan a mieux encore… Le pouvoir non seulement sur toutes les choses et tous les hommes, mais le pouvoir sur l’au-delà du monde, sur Dieu même. Mettre Dieu à sa botte, mettre Dieu à ses pieds : le traiter comme un pantin, le faire intervenir à mon gré… Dieu à tout faire disponible 24 h sur 24 : aucune publicité n’offre mieux de par le monde.

 

Monsieur Satan, vous êtes donc bien considérable. Un surhomme sûrement et même un sur-Dieu !

 

A moins que tout votre discours ne soit que paroles creuses ; rien que du vent. Un piège en somme.

 

Vous donnez voix à ces voix qui nous habitent et nous font rêver de domination et de toute-puissance. Mais tout cela n’est-il pas trop beau pour être honnête ?… Vous faire confiance les yeux fermés serait trop simple ; l’homme est plus compliqué et plus riche que vous ne croyez.

 

Jésus vous le dit : l’homme vit peut-être de pain, mais il a besoin d’autres choses, que vous êtes bien incapable de lui offrir. Il a besoin non d’une parole-miroir, mais d’une parole vraie sortie de la bouche d’un frère, d’un ami, d’un Dieu.

 

Et la gloire, la vôtre et celle de vos royaumes, que sont-elles ? Un rideau de fumée… A nous, du moins, la gloire de nous prosterner librement et gratuitement ; la gloire d’adorer qui nous voulons ; et pourquoi pas l’Unique, le seul Dieu de liberté : Jésus, celui qui ne nous a jamais ordonné de nous prosterner à ses pieds ?

 

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