Troisième Dimanche de Pâques

Les disciples d’Emmaüs.
La rencontre de Jésus avec les pèlerins d’Emmaüs se fit en deux temps.  D’abord, sur la route, puis dans la maison. Ces deux séquences commencent, dans le texte grec, par l’expression : « et il arriva que », expression chère à Saint Luc qui l’utilise souvent dans l’Évangile et dans les Actes pour aborder un nouvel élément narratif.
Les manuscrits sont assez vagues sur la distance que les deux hommes avaient à parcourir. Les traductions actuelles hésitent entre 60 stades, dix ou douze kilomètres, deux heures de marche, tandis que le lieu traditionnellement retenu par la piété et l’archéologie d’Israël place Emmaüs à 30 km de Jérusalem.
Alors que Luc parle de l’apparition des anges aux femmes, juste avant la lecture de ce matin (Lc 24,4), et que la séquence se termine avec la première profession de foi de l’Église naissante :
C’est bien vrai ! le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Simon ! (Lc 24,34)
Luc ne parle pas d’une apparition de Jésus aux deux disciples… Enfin, Cléophas, l’un des deux compagnons, n’est nommé nulle part ailleurs dans les Écritures. On peut donc raisonnablement penser que le message que Saint Luc veut faire passer a été compris par ses contemporains et se situait à un autre niveau.
Jésus, dans les Évangiles, participe souvent à des repas. Rappelons-nous : les noces de Cana, le repas chez le chef de la synagogue de Capharnaüm, les repas chez Marthe et Marie, et tant d’autres. Deux types de repas font un peu exception, de par la symbolique ou le message qu’ils portent : les multiplications des pains aux foules venues l’entendre après les grands discours de Jésus, et surtout le dernier repas que Jésus prit avec ses disciples peu avant sa passion et sa mort.
Ces derniers repas étaient en fait un rituel qui clôturait l’enseignement de Jésus aux foules pour les multiplications des pains et le testament spirituel qu’Il donna à ses disciples alors qu’Il savait qu’il mourrait peu après. C’est un peu ce même rituel que Jésus reprenait après sa résurrection dans l’Évangile de ce matin. Après avoir pris sur lui la souffrance des deux hommes, après avoir expliqué à partir des Écritures comment vivre cette souffrance, voici que Jésus rompt le pain avec eux.
C’est alors que leurs yeux s’ouvrent. Jésus était au avec eux et ils ne le savaient pas ! Ils se rappelèrent les paroles qu’Il avait dites lorsqu’Il était encore avec eux en Galilée :
quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux. (Mt 18,20)
Cette expérience n’est pas l’apanage des Apôtres, ou de quelques privilégiés parmi les disciples et les femmes qui avaient suivi Jésus. Non, et Saint Luc ne donne le nom que d’un seul des deux compagnons, Cléophas qui est inconnu ailleurs dans le Nouveau Testament. C’est parce que chacun de nous, vous et moi, nous sommes invités à faire une expérience similaire.
Aujourd’hui encore, Jésus nous accompagne sur la route de nos souffrances et de nos joies. Il nous invite, dans un premier temps, à nous arrêter pour, avec Lui, réfléchir sur les événements et les confronter à l’enseignement des Écritures.
Ensuite Il entre chez nous et nous partage le Pain, son corps et son sang donnés en sacrifice. Et enfin Il nous invite à reprendre la route pour annoncer aux hommes et aux femmes de notre temps : oui, le Christ est ressuscité, nous l’avons reconnu à la fraction du pain !
Oui, l’Eucharistie que Saint Luc ébauche dans cette péricope de son Évangile contient bien les mêmes éléments que celle que nous célébrons en ce moment : la lecture de la Parole, la méditation de celle-ci, le partage du pain de son corps et de son sang, puis l’envoi en mission pour proclamer la Bonne Nouvelle.
Que le Seigneur ressuscité qui fait route avec nous nous aide dans les difficultés que nous rencontrons et nous montre comment Le suivre sur la route de l’obéissance pour partager un jour la gloire de son éternité où nous mangerons avec Lui le pain de la vie éternelle.
Frère Bernard-Marie, Abbaye de Chambarand
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