Solennité des Saints Fondateurs de Cîteaux (1098).

Perpétuer la vocation de ce lieu.

Fonder une communauté monastique, commencer une vie contemplative en un nouveau lieu, n’est pas chose aisée.  Partir de rien – ou de tellement peu de choses – pour vivre retiré du monde et adonnés à la vie de prière, est une lourde tâche.  On peut songer aux fondateurs de Cîteaux, mais également aux fondateurs du Mont des Cats.  Dans les deux cas, les premières années furent terribles.  Le Petit Exorde nous rappelle que les gens s’enfuyaient lorsqu’ils entendaient parler de la rigueur de la vie dans le « Nouveau Monastère ».  Ici, sur le Mont, les premiers mois furent relativement aisés grâce à l’aide pécuniaire de Nicolas Ruyssen, mais il mourut peu de temps après l’arrivée de la petite communauté.  La pauvreté ensuite s’installa à demeure, tant à Cîteaux qu’au Mont des Cats. 

Dans les deux fondations, à plus de 8 siècles d’écart, il fallut rapidement construire un vrai lieu de vie, un vrai monastère.  Les vocations affluèrent, au point que très vite aussi il fallut envisager de fonder ailleurs.  On connaît le développement de Cîteaux avec les fondations de La Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond qui, à leur tour, inondèrent le continent de fondations pendant plus d’un siècle.  Pour le Mont des Cats, ce sont plutôt les circonstances qui ont conduit à fonder ou à participer à fonder, en Europe puis jusqu’à Madagascar.  Arrêtons là la comparaison historique. 

Il y eut des hauts et des bas, des périodes de gloire et de prospérité, puis des périodes de disette et de pauvreté.  Le nouveau monastère du Mont des Cats, fut consacré solennellement en 1898, avec un grand concours de peuple.  Mais deux décennies plus tard, la guerre détruisit le bel édifice.  Il fallut reconstruire, tout en continuant à travailler pour vivre, pour survivre. 

Lors de la dédicace de l’église en 1950, le Mont des Cats était en pleine gloire, avec près de 100 moines présents et un rayonnement sans égale dans toute la région. 

Aujourd’hui, comme tous les monastères, toutes les congrégations, tous les séminaires, nous souffrons de la raréfaction du nombre de vocations.   Les temps sont durs, semble-t-il, mais ne baissons pas les bras.  Dieu continue à appeler des ouvriers pour sa moisson, restons vigilants. 

Nous avons hérité de ce que les moines qui nous ont précédés ont construit, ont créé, ont vécu.  Comment vivre de cela, comment faire vivre cela, comment perpétuer cet héritage ?  Ce n’est pas de notre ressort, c’est l’œuvre de Dieu.  Dieu nous a appelés à vivre en ce lieu, Il nous a rassemblés en communauté pour célébrer son Nom sur le Mont, et il nous invite à rester fidèles à notre vocation en ce lieu. 

Ce n’est pas en faisant de grandes choses, ce n’est pas en remuant ciel et terre que nous pouvons espérer avoir de nouvelles vocations.  Ce n’est pas cela que Dieu nous demande.  Dieu appelle toujours, mais les appelés ont plus de mal à L’entendre qu’à d’autres époques de la vie de l’Église.  Si nous vivons vraiment notre vie de moines, avec l’équilibre de prière, lecture, travail, avec une vie fraternelle authentique, cela interpellera ceux qui cherchent où Dieu les appelle.  Notre mode de vie rayonnera, même sans que nous ayons à nous expliquer. 

Pour en revenir aux premiers moines de Cîteaux, ils pleurèrent longtemps parce que les gens craignaient leur austérité et préféraient passer leur chemin.  Mais à force de crier vers le Seigneur, et de supplier pour obtenir des vocations, ils furent exaucés.  Sans attendre que nous ayons d’un seul coup un nouveau Bernard avec 30 compagnons qui viennent frapper à notre porte, croyons que la prière pour les vocations peut porter des fruits.  Pas nécessairement selon nos vues, mais selon les vues de Dieu.  Croyons que notre vie monastique a encore du sens pour aujourd’hui et que des hommes et des femmes peuvent encore être interpellés par la présence de Dieu au milieu de nous.  C’est la raison pourquoi notre Abbé Général nous demande, dans sa dernière lettre circulaire, de prier tout spécialement pour les vocations en ce jour, dans tous nos monastères à travers le monde. 

Par l’intercession des premiers moines de Cîteaux, et des premiers abbés du « Nouveau Monastère », en ce jour où nous les célébrons, demandons au Seigneur de bénir notre communauté et toutes les communautés de la famille cistercienne. 

Père Bernard-Marie

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