Solennité des Fondateurs de Cîteaux.

Saint Robert de Molesme, premier abbé.

Robert de Molesme naquit en Champagne, d’une famille noble, vers 1029.  Il entre à 15 ans comme novice au monastère de Montier-la-Celle, près de Troyes. Dix ans plus tard, il devient le Prieur de cette Abbaye. Puis il est amené à prendre la direction d’un petit groupe d’ermites qu’il oriente vers la vie cénobitique et, avec eux, il fonde l’abbaye de Molesme. Cette abbaye prospérant, Robert et quelques autres frères désirent un genre de vie plus proche de la Règle de Saint Benoît et partent fonder le « Nouveau Monastère », Cîteaux, en 1098.

Robert, fondateur de Cîteaux, n’y reste qu’un an, car les moines de Molesme envoient une supplique au Pape pour le faire revenir. Le Petit Exorde n’est pas tendre envers leur fondateur, puisqu’il y est écrit que Robert « a l’habitude de changer facilement de monastère ».  Interprétation quelque peu tendancieuse, si l’on sait que Robert cherchait à chaque fois à vivre la Règle de Saint Benoît de manière plus authentique.  Outre Molesme et Cîteaux, Robert fut également le fondateur de l’abbaye d’Aulps en Haute-Savoie, qui à son tour fonda plusieurs monastères.  À Molesme et à Aulps, la démarche initiale était que les moines vivent à deux ou trois dans des petites cabanes disséminées dans la forêt.  Dans les années 1130 Aulps et ses fondations se rattachèrent à Clairvaux choisissant de renoncer à la vie érémitique pour la vie cénobitique.  La plupart des abbayes fondées par Robert, y compris Molesme, survécurent aux aléas de l’histoire et furent finalement supprimées à la Révolution. 

La postérité de Saint Robert fut donc importante, et on comprend que les abbayes issues de son gouvernement souhaitaient le voir canonisé.  C’est ce qui leur fut accordé par le pape Honorius III en 1222, donc il y a juste 8 siècles.  Selon l’expression du Petit Exorde déjà citée on comprend que les cisterciens n’œuvrèrent pas à la canonisation, et ce n’est que bien plus tard que Robert fut inséré parmi nos saints. 

Le Petit Exorde raconte encore que le nouvel abbé, Albéric, envoya une supplique à Rome pour séparer Cîteaux de Molesme et de se mettre directement sous l’autorité papale.  Molesme et son abbé n’avaient dès lors plus aucune autorité sur leur fondation.  On peut penser que Cîteaux n’a pas apprécié de perdre son abbé fondateur, et a préféré rapidement couper les ponts avec Molesme et donc voler de ses propres ailes.  Ainsi fut créée la congrégation dite des « moines blancs » tandis que Molesme restait dans le giron des « moines noirs ». 

Si je me suis arrêté aussi longuement sur Saint Robert, ce n’est pas pour faire son panégyrique, mais pour montrer combien son intuition fut décisive pour la fondation de Cîteaux.  Il ne quitta pas Molesme seul, bien sûr, et ses compagnons recherchaient le même idéal de vie solitaire et vivant du travail de leurs mains, selon la Règle de Saint Benoît.  Rappelons que Albéric et Étienne avaient été respectivement Prieur et Sous-Prieur de Robert à Molesme et étaient avides du même idéal. 

Albéric insuffla donc le même esprit dans la communauté naissante, et œuvra du mieux qu’il put dans la période difficile des débuts et du manque de vocations.  Il mourut le 26 janvier 1108, alors que l’arbre planté ne portait pas encore de fruits.  Peut-être qu’il espérait être la graine qui meurt pour que l’arbre porte beaucoup de fruits. 

Toujours est-il que la période difficile ne dura pas tellement longtemps, puisque Cîteaux pouvait fonder l’abbaye de La Ferté dès 1113, avant l’arrivée de Bernard et ses 30 compagnons.  Cela ne leur fit que quinze ans de « vaches maigres », après quoi les fondations se succédèrent à un rythme soutenu pendant plus d’un demi-siècle.  

Étienne donc, vit enfin arriver les vocations, ce qui explique qu’il s’attela rapidement à la rédaction de la Charte de Charité.  Sa rédaction ne se fit pas en un jour, et la communauté entière fut invitée à y collaborer.  Le texte put être approuvé par le Pape Calixte II en 1119, ce qui montre bien qu’Étienne ne perdit pas de temps.

On peut comprendre que les premiers cisterciens n’aient pas gardé un bon souvenir de Saint Robert.  Mais c’est tout à fait injuste.  Même s’il n’a été abbé de Cîteaux qu’une année, c’est lui qui a porté à bout de bras le projet durant les mois, peut-être les années de préparation et de mûrissement.  Qu’il soit retourné à Molesme ensuite, est une demande papale, à laquelle on ne peut se soustraire.  Robert a donc fondé Cîteaux, Albéric l’a porté durant les années de disette, et enfin Étienne a défini le cadre juridique des relations entre maisons issues du Nouveau Monastère une fois que le nombre de fondations explosait.  C’est donc à juste titre qu’aujourd’hui nous célébrons nous trois fondateurs dans une même solennité. 

En cette eucharistie de fête, demandons-leur de nous soutenir dans nos années de manque de vocations et qu’ils nous donnent le courage et la persévérance jusqu’à l’heure où le Seigneur nous enverra des Saint Bernard. 

Père Bernard-Marie

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