Solennité de Saint Benoît

Saint Benoît combat le mal et aime le Bien.

Lorsque Saint Benoît se rendit au Mont Cassin, il avait déjà toute une expérience spirituelle et monastique derrière lui.  Installé d’abord comme ermite à Subiaco, Benoît avait eu amplement le temps de faire la connaissance du Malin, en reprenant la dénomination que Jésus utilisait.  Une des spécificités des ermites en effet, et cela depuis la fondation de la vie monastique, est de se retirer dans le désert pour affronter le démon sur son territoire.
Rappelons-nous les premiers moines qui s’installèrent dans les déserts d’Égypte.  La paix de Constantin en 325 avait interrompu les persécutions contre les Juifs et les chrétiens.  La religion était devenue religion d’état.  Jusqu’à cette date, suivre le Christ de manière radicale consistait à accepter d’être condamné à mort à cause de sa foi.  Les chrétiens ne pouvant plus donner leur vie de manière violente, décidèrent de donner leur vie dans la solitude, en un lieu où il leur était loisible de se mesurer dans le combat singulier contre le démon.
Lorsque Saint Benoît se rendit au Mont Cassin, c’était à l’invitation de l’évêque du lieu et pour combattre le diable.  Au sommet du mont il y avait deux temples païens et Benoît s’empressa de les détruire.  À la place du premier, il construisit un oratoire en l’honneur de Saint Jean Baptiste, à la place du second un oratoire en l’honneur de Saint Martin de Tours.  C’est ce que nous rapporte Saint Grégoire le Grand (Vie de Saint Benoît, VIII,10).  La tradition de détruire les temples et les statues des dieux païens a déjà commencé du temps de Saint Paul. Rappelons-nous ce que Paul disait concernant les viandes immolées aux idoles (1Co8,4b-6) :
Bien qu’il y ait en effet, au ciel et sur la terre, ce qu’on appelle des dieux
– et il y a une quantité de « dieux » et de « seigneurs » –,
pour nous, au contraire, il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et vers qui nous allons ; et un seul Seigneur, Jésus Christ, par qui tout vient et par qui nous vivons.
Pour montrer la suprématie de la foi en Jésus-Christ, les missionnaires, qu’ils soient moines, prêtres ou évêques, durant les premiers siècles de notre ère, ont souvent abattu les temples, les statues, les arbres sacrés.  Les dieux païens ne répondant pas, preuve que notre Dieu est le seul Dieu.  Ils pouvaient conclure, avec Saint Paul, que le culte des idoles est un culte aux démons, et que Jésus est vainqueur des puissances du mal… Saint Benoît réitérait l’action que mena Saint Martin de Tours lorsqu’il évangélisa les contrées dont il avait la charge pastorale.
Lorsque Saint Benoît se rendit au Mont Cassin, fort de son expérience spirituelle et monastique, il mit la dernière main à ce qu’il appela lui-même « cette petite Règle pour débutants ».  Par rapport aux ermites il précise :
Longuement aguerris au monastère, ils ont appris à combattre contre le diable.
Alors, bien entraînés, ils passent des rangs de leurs frères au combat singulier du désert ;
fermes désormais sans le secours d’autrui, ils sont en mesure, avec l’aide de Dieu,
de combattre seuls, de leur propre force, les vices de la chair et des pensées.
Pour Benoît la norme de la vie monastique est la vie cénobitique d’une communauté vivant « sous une règle et un abbé ».
Lorsque Saint Benoît se rendit au Mont Cassin, il ne pouvait se douter que sa petite Règle serait encore le texte normatif des moines 15 siècles plus tard.  Aujourd’hui la vie érémitique est assez peu pratiquée dans le monde bénédictin.  Aujourd’hui nous ne justifions plus la vie érémitique comme une vie d’identification avec Jésus qui, « conduit au désert, fut tenté par Satan » (Mt 4,1).  La vie de la société tel que nous la connaissons n’est pas moins, n’est pas davantage, un monde où s’affrontent le bien et le mal qu’elle ne le fut du temps de Saint Benoît.  Mais aujourd’hui d’autres expressions de la Règle nous interpellent davantage que le combat cosmique entre le bien et le mal.
L’équilibre entre travail – prière – lectio divina est aujourd’hui davantage mis en avant.
De même que la vie fraternelle d’une communauté « sous une Règle et un abbé ».
Le cadre de la vie monastique que nous propose Saint Benoît est favorable à l’éclosion d’une vraie intimité du moine avec Dieu.  C’est ce que Benoît appelle en cette phrase-choc :
Ne rien préférer à l’amour du Christ.
Lorsque Saint Benoît était au Mont Cassin, vers la fin de sa vie, il eut la vision du monde entier, comme rassemblé sous un seul rayon de soleil.  Saint Grégoire dans ses Dialogues, explique ce prodige réservé aux grands saints :
Pour l’âme qui voit le Créateur, toute créature paraît bien exiguë. En effet bien que cette âme n’ait contemplé qu’un faible rayonnement de la lumière du Créateur, tout le créé se réduit pour elle à de petites proportions, car par la lumière elle-même de cette vision intime, le sein de son esprit s’élargit et son cœur grandit tellement en Dieu qu’il se tient élevé au-dessus du monde.  (Vie de Saint Benoît, XXXV,4-6)
C’est à cela que nous aspirons tous, moines et non-moines… Mais pour nous, c’est en espérance, et nous le découvrirons au terme de notre vie terrestre, lorsque nous verrons Dieu face à face pour l’éternité.  Demandons au Seigneur, par l’intercession de Saint Benoît, de toujours mieux conformer notre vie à notre vocation et à trouver dans cette Eucharistie la grâce de la persévérance afin de pouvoir nous aussi toujours davantage,
ne rien préférer à l’amour du Christ.

Frère Bernard-Marie

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