Solennité de l’Annonciation du Seigneur

De le chute des anges à l’incarnation du Fils de Dieu

Saint Bernard, dans sa grande vision de l’Histoire de la création et du salut, explique que le premier péché ne fut pas celui de nos parents Adam et Ève mais celui des anges déchus. Il s’en explique longuement dans le traité de l’Humilité et de l’orgueil, avant de détailler la physionomie des échelons de l’orgueil des moines en parallèle inversé des échelons de l’humilité chez Saint Benoît.
Et toi, « sceau de la ressemblance » (Ez 28,12), qui avais été placé, non pas dans le paradis, mais dans les délices du paradis de Dieu. Qu’avais-tu à demander de plus ? Plein de sagesse, parfait dans ta beauté, « ne cherche pas ce qui est au-dessus de toi, et ne scrute pas ce qui est plus fort que toi »(Si 3,22).
Reste en toi-même, car tu tomberas plus bas que toi si tu t’aventures dans des grandeurs et des prodiges qui te dépassent.
(Hum 31)
Tu tomberas dans ce piège que tu prépares à ton créateur !… À cause de ta dureté et de ton cœur impénitent tu ne pourras pas éviter la peine. (Hum 33)

Une fois les anges déchus ayant quitté le ciel, Dieu Trinité se demanda comment remplacer dans le chœur des anges ceux qui avaient failli ? C’est alors qu’Il décida de créer le monde dans lequel nous vivons et de créer la terre et les êtres humains qu’Il plaça dans le Paradis. Et l’Esprit de Sagesse déclare, au Livre des Proverbes :
Yahvé m’a créée, prémices de son œuvre, avant ses œuvres les plus anciennes.
Dès l’éternité je fus établie, dès le principe, avant l’origine de la terre.
J’étais à ses côtés comme le maître d’œuvre, je faisais ses délices, jour après jour, m’ébattant sur la surface de sa terre et trouvant mes délices parmi les enfants des hommes. (Pr 8,22…31)

Le Livre de l’Apocalypse nous rapporte la bataille qui eut lieu dans le ciel :
Michel et ses Anges combattirent le Dragon. Et le Dragon riposta, avec ses Anges, mais ils eurent le dessous et furent chassés du ciel. On le jeta donc sur la terre et ses Anges furent jetés avec lui. (Ap 12,7…9)

Dieu savait que le démon allait tenter les fils des hommes, et le péché ne tarda pas à entrer dans le monde, par l’entremise du serpent qui dit à Ève :
Le jour où vous mangerez (du fruit de l’arbre), vos yeux s’ouvriront,
et vous serez comme des dieux. (Gn 3,4-5)

Devant ce nouvel échec,
Le roi fut pris de colère et il dit à ses serviteurs :
« La noce est prête, mais les invités n’en étaient pas dignes ». (cf Mt 22,7-8)

Il tint alors Conseil dans le ciel et, comme le prophète Isaïe le rapporte, Dieu dit : « Qui enverrai-je ? Qui ira pour nous ? » Et le Christ répondit : « Me voici, envoie-moi. » (cf Is 6,8) et Il continue, comme nous l’avons entendu dans la seconde lecture :
Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté.

Contrairement aux anges déchus :
Le Christ Jésus, étant de condition divine,
ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu,
mais il s’anéantit lui-même, en prenant la nature humaine… (Ph 2,6-7)

Encore fallait-il qu’un peuple soit préparé à recevoir ce Messager. C’est ce à quoi le Seigneur s’occupa dans toute l’Histoire Sainte, depuis Abraham jusqu’à l’entrée en Terre Promise avec Josué. Vinrent ensuite les Rois et les Prophètes qui initièrent le Peuple à une relation privilégiée avec le Dieu de leurs Pères. Mais le Peuple continua à pécher, comme l’exprime joliment le prophète Osée :
Quand Israël était jeune, je l’aimai.
Mais plus je les appelais, plus ils s’écartaient de moi.
Et moi j’avais appris à marcher à Éphraïm, je le prenais par les bras.
J’étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson tout contre leur joue, je m’inclinais vers lui et le faisais manger. (Os 11,1…4)

Enfin, lorsque les temps furent accomplis (Ga 4,4), Dieu envoya son ange dans une ville de Galilée appelée Nazareth (Lc 1,26). C’est ce que nous avons entendu dans l’Évangile de ce matin. Et Saint Bernard de mettre en scène l’attente de la réponse de Marie, dans son Livre des Louanges de la Vierge Mère :
Tu as appris l’événement et tu y as cru ; ajoute foi également à la façon dont il s’accomplira. L’ange attend ta réponse : il va être temps qu’il retourne auprès de Dieu qui l’a envoyé. Nous aussi, ô Souveraine, nous malheureux sur qui pèse la sentence de damnation, nous attendons une parole de compassion. Voici qu’on t’offre le prix de notre salut : si tu l’acceptes, nous serons aussitôt délivrés. Telle est la supplique que t’adresse, Vierge miséricordieuse, le pitoyable Adam exilé du paradis avec sa malheureuse descendance. C’est la supplique d’Abraham, de David, de tous les Patriarches, tes propres ancêtres, qui eux aussi habitent la contrée ensevelie dans l’ombre de la mort. Le monde entier, prosterné à tes genoux, se joint à cette prière. Hâte-toi de donner ta réponse. O Souveraine, prononce cette parole qu’attendent la terre et les enfers et les cieux. Le Roi lui-même, le Seigneur, qui a si fort convoité ta beauté, désire avec la même ardeur ton consentement, dont il a voulu faire la condition du salut universel. Il te crie du haut du ciel : « O toi qui es la plus belle entre les femmes, fais-moi entendre ta voix. »
Voici, dit-elle, la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole.
(Miss 4,8…9)
Amen.

Frère Bernard-Marie

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