Saints Fondateurs de Cîteaux

La Charte de Charité, en l’an 1119

Avec l’affluence des biens matériels, le monastère de Molesme se trouva trop engagé dans la société féodale et la Règle s’y observait insuffisamment au gré de ce saint père Robert et de ses disciples les plus fervents. C’est pourquoi saint Robert, moyennant l’appui du Légat, passa avec ces derniers à Cîteaux.  C’est ce que nous rappelle le ménologe cistercien que nous avons entendu hier.  
Robert quitta donc Molesme, avec une vingtaine d’autres moines.  Parmi ceux-ci, Robert, Albéric et Étienne étaient respectivement Abbé, Prieur et Sous-Prieur, dans leur monastère.  Ce qui signifie que la communauté de Molesme était littéralement décapitée !  On peut comprendre que, dans ces conditions, les frères de Molesme firent intervenir à nouveau le Légat du Pape et le Pape lui-même faire revenir leur abbé. 
Après un peu plus d’un an d’abbatiat à Cîteaux, Robert retourna donc à Molesme.  C’est Albéric qui reprit le flambeau et il fut abbé du Nouveau Monastère de 1099 à 1109.  Ce fut la période la plus difficile pour la jeune fondation.  D’une part il avait fallu déplacer le lieu d’implantation, et donc reconstruire avant d’avoir terminé les premières constructions.  D’autre part, les vocations se faisaient rares.  La pauvreté était grande, le sol ne rapportait pas suffisamment et la réputation d’austérité rebutait.  Certains frères envisagèrent à leur tour de retourner à Molesme… 
En 1109, Étienne Harding devient le troisième abbé de Cîteaux.  Très vite, la réputation du Nouveau Monastère s’améliore.  Les premières donations arrivent dès l’année suivante.  La première demande d’une fondation, à La Ferté date de 1112.  L’église abbatiale de La Ferté est consacrée en 1113, l’année même où Saint Bernard arrive avec ses trente compagnons.  La période difficile des débuts de la fondation est maintenant derrière.  L’on commence à faire de nouvelles fondations à un rythme élevé.  En effet, Pontigny fut fondée en 1114, Clairvaux et Morimond en 1115. 
Face à cette nouveauté, Saint Étienne décide d’élaborer une nouvelle manière de diriger l’Ordre naissant.  À partir de 1115, donc peu après la fondation des quatre premières filles de Cîteaux, Étienne commence la rédaction de la Charte de Charité.  C’est en 1119 – il y a juste 900 ans – que saint Étienne demande l’approbation du pape Calixte II pour cette gestion.  Le but de la Charte était de modifier le fonctionnement de l’Ordre naissant, afin d’éviter la centralisation extrême de Cluny ou l’éparpillement sans fin des petites congrégations régionales.  Le maître mot est la charité qui doit motiver toutes les actions : entre moines, entre abbés, entre abbayes.  Afin que chacun puisse vivre pleinement sa vocation.  La création d’un chapitre général annuel faisait partie des nouveautés instaurées par Saint Étienne.  De par la réussite de cette mesure, elle fut imposée par les papes à toutes les congrégations existantes et à tous les ordres religieux nés ensuite. 
Lorsqu’Étienne mourut en 1134, l’Ordre comptait 75 abbayes.  C’est dire la rapidité de l’expansion et l’importance de lui avoir donné de bonnes bases tant juridiques que de charité. 
Osons un « bilan » des premières années de Cîteaux, et de ce que la fondation nous apporte encore aujourd’hui.  Je le fais en quatre points, avec quatre abbés.
– Saint Robert fut probablement le maître à penser du renouveau.  En tant qu’abbé de Molesme il était prêt à quitter un ordre établi pour en fonder un autre.
– Saint Albéric eut à endurer les années difficiles où le Nouveau Monastère faisait peur et n’attirait que peu de vocations.
– Saint Étienne a vu les choses évoluer et put très rapidement fonder des monastères dans la tradition de Cîteaux.  Il imagina une organisation nouvelle où le maître mot est la charité, à tous les échelons de l’ordre naissant.
– Enfin, Saint Bernard développa une spiritualité affective, pour laquelle il s’inspira de l’amour courtois.  C’est la recherche amoureuse de Dieu par l’âme du croyant, du moine. 
Tels sont les quatre abbés qui ont marqué profondément la tradition cistercienne.  Cette influence ne s’est pas démentie jusqu’à nos jours.  Même si Saint Bernard ne fait pas parti des Fondateurs, le fait de l’inclure dans la liste ne le fait pas démériter…  Les trois fondateurs que nous célébrons aujourd’hui ont donné à Bernard l’environnement, le terreau, dans lequel il a pu développer une spiritualité originale, tout en se référant sans cesse à la grande Tradition des Pères de l’Église.
En ce jour de fête, demandons-nous comment nous vivons aujourd’hui de l’héritage de nos Fondateurs.  Rendons grâce à Dieu, dans cette Eucharistie, pour cet héritage.  Reconnaissons humblement combien nous sommes redevables de nos Fondateurs et de leur enseignement dans notre vie spirituelle aujourd’hui. 
C’est ce que nous avons demandé à Dieu dans la prière au début de cette célébration :
Suscite, Seigneur, dans notre famille monastique l’Esprit qui anima nos bienheureux Pères saint Robert, saint Albéric et saint Etienne ; afin que nous soyons, comme eux,
fidèles à notre vocation et attentifs à ton appel pour aujourd’hui.

Frère Bernard-Marie

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