Jean Baptiste le Précurseur.
L’apparition de l’ange du Seigneur à Zacharie dans le Temple ressemble beaucoup à d’autres apparitions d’anges dans les annales de la Bible. Rappelons-nous l’apparition à Abraham, alors âgé de 100 ans, et sa femme également avancée en âge pour la naissance d’Isaac (Gn 18). Ou encore la femme de Manoah, qui était stérile. L’ange du Seigneur lui apparut et lui promit un fils, qu’elle nomma Samson (Jg 13). De ce point de vue Zacharie n’aurait donc pas dû être effrayé en voyant l’ange du Seigneur dans le Saint des Saints. Mais surtout il n’aurait pas dû poser la question comment cela se fera-t-il ?, puisque les exemples anciens devaient lui être connus.
C’est la raison pour laquelle l’ange se fâcha et rendit Zacharie sourd et muet. Lorsqu’il sort du Temple, c’est par signes qu’il fait comprendre au peuple qu’il a eu une vision. La bénédiction qu’il aurait dû donner à l’assistance à ce moment-là, ne fut pas donnée.
Le mutisme forcé de Zacharie dure jusqu’à la circoncision de l’enfant, jusqu’au moment où Zacharie confirme ce que sa femme Élisabeth a dit : son nom est Jean. On peut comprendre que les témoins, les proches et tous les habitants de la montagne de Judée se dirent l’un à l’autre : que sera donc cet enfant ? Mais ils n’auront la réponse que bien plus tard. En effet, ce n’est qu’à l’âge adulte que Jean s’en ira dans le désert pour préparer la route au Seigneur. Membre de la caste sacerdotale, Jean aurait pu devenir prêtre dans le Temple de Jérusalem, à la suite de son père et de ses ancêtres. Il a préféré répondre à l’autre appel de Dieu, dans la lignée des grands prophètes du passé. C’est pourquoi comme première lecture nous avons entendu la vocation d’Isaïe. Le comportement de Jean face à Hérode Antipas ressemble à s’y méprendre aux invectives des grands prophètes, tels que Élie et Élisée dans le Royaume du Nord, Jérémie à Jérusalem au moment de l’invasion par Nabuchodonosor.
Lorsque le prophète Ananie, fils d’Azzour, eut brisé le joug de bois que portait Jérémie, celui-ci lui répondit :
Les prophètes qui nous ont précédés, toi et moi, depuis bien longtemps, ont prophétisé contre de nombreux pays et de grands royaumes la guerre, le malheur et la peste.
Le prophète qui annonce la paix n’est reconnu comme prophète vraiment envoyé par le Seigneur, que si sa parole s’accomplit (Jér 28,8-9).
Pour pouvoir accomplir leur mission prophétique, Dieu leur des grâces particulières, dont nous retrouvons des traces dans les visions que certains reçurent au début de leur ministère. La première lecture de ce jour est un de ces exemples. Ezéchiel quant à lui reçut un livre à avaler qui, dans sa bouche, avait le goût du miel, mais remplit ses entrailles d’amertume (Ez 3,3 et // en Apoc 10,8-11).
Lorsque Jean Baptiste commença sa vie publique de prophète dans le désert, les foules venaient à lui avec ferveur et se faisaient baptiser dans le Jourdain en signe de pénitence. C’est ce que nous rapportent les évangiles. Mais Jean non plus n’y alla pas de main morte, invectivant les foules d’engeance de vipères. Et tous de lui poser la question que devons-nous faire ?
Mais, lorsque Jean s’en prit à la vie privée du roi Hérode Antipas – qui avait épouse Hérodiade, la femme de son frère Philippe – Hérode emprisonna le prophète et chercha une occasion de le mettre à mort (Mc 6 ; Mt 14). C’est ainsi que moururent nombre de prophètes de l’Ancien Testament, c’est ainsi que devait mourir Jésus…
Comme nous le rapporte Luc, Jean et Jésus étaient apparentés, puisqu’Élisabeth est présentée comme la cousine de Marie. Mais les liens devaient être plus forts, puisque Jean fut rempli de l’Esprit Saint lorsque, toujours dans le sein de sa mère, il entendit la voix de Marie, qui était enceinte de Jésus. Avant sa vie publique, Jésus suivit quelque temps Jean pour voir comment il s’y prenait. Puis Jésus commença sa vie publique en se faisant baptiser par Jean. Donc, dans ce contexte de relations fortes, Jésus dut être fortement impressionné par la mort de Jean. Il se rendit alors vraiment compte, en voyant comment les chefs religieux s’opposaient à son propre enseignement, qu’il risquait fort d’être un jour mis à mort.
Lorsque Jésus monta à Jérusalem pour la Pâque, Il savait que ses jours étaient comptés. Il savait que « son Heure » était arrivée et c’est avec courage qu’il alla au-devant de celle-ci. Dans l’Évangile selon Saint Luc, c’est sur le Mont des Oliviers que Jésus – après sa résurrection – fit ses adieux à ses disciples et qu’Il monta au ciel. À ce moment-là Il bénit les foules venues à sa rencontre. Pour Luc, Jésus donna ainsi à toutes les nations la bénédiction que Zacharie n’avait pas pu donner aux Juifs rassemblés dans le Temple. Le Peuple Saint, aujourd’hui, ce sont tous les peuples qui croient en Jésus-Christ, le Fils de Dieu.
Dans l’Ancienne Alliance, l’Esprit était donné aux prophètes pour arracher et renverser, pour détruire et démolir, pour bâtir et planter (Jr 1,10).
Jean le Baptiste, le Précurseur, eut du mal à comprendre ce qui lui arrivait. En effet, c’est dans la mort et la résurrection de Jésus que toute vocation prend sa source. C’est par la mort de Jésus que la mort de Jean reçut tout son sens.
Aujourd’hui chacun de nous a reçu l’Esprit dans les sacrements du baptême et de la confirmation. Nous sommes appelés à être, à notre tour, à notre petite place, témoin de la Parole de Jésus. Si la persécution guette, si la parole qui doit être proclamée dérange, Dieu donne la grâce nécessaire pour tenir ferme.
Hier nous célébrions le Corps et le Sang du Christ. C’est le pain venu du ciel qui a un goût de miel dans notre bouche, et qui dans l’amertume de la contrariété et la persécution, nous donne la force de témoigner de notre foi. Demandons à Jésus de nous combler de ses grâces pour annoncer qu’Il est présent dans notre monde.
Frère Bernard-Marie