23 décembre 2022
Ap 5,8-14 ; Jean 5,24-29.
La vie après la mort est certainement plus heureuse que tout ce que l’on peut imaginer sur terre. C’est ce que l’Apocalypse essaye de nous exprimer avec toutes les difficultés de mettre en mots humains une expérience spirituelle et éternelle.
La vie monastique est toujours un chemin de purification, de croissance spirituelle et d’intimité relative avec Dieu dans la prière. Pour frère Paul cette expérience a été fortement marquée par son passé. Musicien en famille, il entra chez les Spiritains. Il fut envoyé à Paris, Rue Lhomond dans la maison de formation des Spiritains, où travaillait le Père Lucien Deiss. Père Paul fut enrôlé dans la chorale dirigée par le Père Deiss au moment de lancer la liturgie et les chants en langue vernaculaire après le Concile. Père Paul garda envers le Père Deiss une amitié durable et une vraie admiration. Une fois sa formation terminée, Père Paul fut nommé au Collège spiritain du Bouveret en Suisse. Parmi ses activités auprès des jeunes, il fut un excellent professeur de chant et dirigea la chorale, avant de devenir directeur de ce Collège. Il était très aimé des élèves, parce qu’il était pédagogue et exigeant…
Lorsqu’il approcha de la cinquantaine, Père Paul souhaita donner un nouveau souffle à sa vie spirituelle, en optant pour une vie plus contemplative. Il vint rejoindre au Mont des Cats son confrère Simon Giroud, qui nous était arrivé via notre fondation de Maromby à Madagascar. Très vite frère Paul fut impliqué dans le chant de notre Office liturgique avant de devenir chantre et principal organiste de la communauté. Il n’était pas tellement dépaysé par rapport à son temps Rue Lhomond, puisque nous chantions abondamment, et chantons encore, les œuvres du Père Deiss, du Père Gélineau, de Jacques Berthier et de nombre d’autres auteurs et compositeurs des années 1960-1970.
Saint Augustin nous enseigne que « celui qui chante prie deux fois ». Pour frère Paul cet adage n’est pas tout à fait exact, et il l’interprétait ainsi : « celui qui chante juste prie deux fois ». Dans une communauté monastique ce n’est pas toujours facile de chanter juste, et ce fut à certaines périodes la croix de Frère Paul. Ce qui n’empêcha pas notre Frère d’être un excellent chantre. Ici aussi, il était pédagogue et exigeant… La qualité de notre office monastique actuel lui doit beaucoup, lui qui fut maître de chœur pendant près de 30 ans.
Maintenant qu’il a atteint le but de notre vie, de sa vie religieuse, de sa vie monastique, il est sûr de chanter juste, avec les anges et les archanges devant le trône de Dieu.
Depuis deux ans et demi maintenant, Frère Paul était accueilli dans un EHPAD à Steenvoorde. Tout doucement, il a perdu le sens des réalités, le souvenir de ce que fut sa vie de moine. Puis, il perdit également sa belle voix et son oreille musicale. Peut-être que Dieu lui demandait ce sacrifice pour une dernière purification avant la Grande Rencontre, avant ce grand passage de la vie terrestre à la vie en face à Face avec Dieu.
Même si Père Paul imprimé sa marque sur notre office monastique, sa rigueur et ses exigences ont fait que tous les frères n’ont pas également apprécié ses dons et ses exigences. S’il a créé des tensions en communauté, il a peut-être découragé certains de chanter pour prier, de prier en chantant. C’est peut-être pour cela qu’il eut besoin d’une petite « pénitence » avant de retrouver le Seigneur dans le ciel.
Début novembre Frère Paul fut hospitalisé à Armentières. Ce n’était pas la première fois, et la communauté n’en fut avertie que quelques jours plus tard. Son état s’aggrava assez brutalement, au moment d’être reconduit à l’EHPAD. On craignit qu’il n’en aurait plus que pour quelques jours, mais voilà que son état s’améliora au point de reprendre la discussion et de retrouver son sens de l’humour. Ce fut dans ces quelques semaines l’occasion pour plusieurs frères de la communauté d’aller le saluer une dernière fois.
Mardi, quelques jours avant Noël donc, Paul a été rappelé auprès de Dieu. Maintenant il peut, de tout cœur et tout heureux, chanter les louanges du Seigneur, ce Seigneur qu’il servit d’abord comme Spiritain, puis comme trappiste. Partout il mettait ses dons musicaux au service des autres. Maintenant le Seigneur le remercie pour sa fidélité en l’invitant à chanter « Gloire à Dieu au plus haut des Cieux », autour de l’Enfant de la crèche.
Aujourd’hui nous confions sa dépouille à la terre. Son âme est montée aux cieux, son empreinte sur notre chant liturgique nous permettra de nous rappeler de lui pendant encore de longues années. Dans cette Eucharistie, demandons à Dieu de l’introduire dans la gloire du ciel, auprès des anges musiciens et des chœurs célestes.
Père Bernard-Marie