Prêtre et moine.
Cher frère Jean-Luc. Tu as souhaité que nous lisions le chapitre 60 de la Règle de Saint Benoît, parce que c’est ta propre démarche : des prêtres qui voudraient demeurer au monastère.
Saint Benoît est assez réticent pour l’accueil de prêtres dans sa communauté. On peut le comprendre. Chaque mode de vie a ses spécificités, et la vie monastique ne fait pas exception. Lorsqu’on a été façonné au séminaire, qu’on a vécu de longues années de service paroissial, avec l’autonomie d’un prêtre dans sa paroisse et dans son presbytère, se retrouver de nouveau à suivre une formation, monastique cette fois, n’est pas chose aisée.
Nous avons toujours eu des prêtres diocésains ou des religieux de congrégations actives qui sont venus se joindre à la communauté. Le dernier d’entre eux était Frère Paul que nous venons de conduire en sa dernière demeure. Mais avant lui mentionnons Francis, Simon, René, Jean-Marc, Yvon.
Certains d’entre eux ont choisi, comme toi, de changer de service à l’Église en optant pour la vie monastique après avoir eu une vie active de prêtre dans le monde. Pourquoi quitter le service pastoral dans l’Église alors qu’il y a déjà tellement peu de prêtres, tellement peu de prêtres qui « fonctionnent » bien dans leur paroisse et dans leur secteur d’activité ? Combien de personnes ne rétorquent pas : il y a tellement de boulot, la moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux, et en voilà encore un qui quitte la moisson pour aller s’enfermer… La question est aussi vieille que le monde monastique…
C’est vrai qu’il faut des ouvriers pour la moisson. Mais, comme nous l’a rappelé par deux fois au moins Mgr Christophe Dufour dans ses conférences, lorsque Dieu constate qu’il manque des ouvriers pour sa moisson, Jésus dit : « priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers ». Prier est donc premier pour que la moisson puisse être récoltée.
Qu’un ouvrier de la moisson quitte son poste pour se mettre à prier pour que Dieu envoie des ouvriers, n’est pas non plus exceptionnel. Les quelques échos que j’ai pu glaner dans le diocèse de prêtres qui te connaissent, Jean-Luc, montrent qu’ils ne sont pas étonnés de ta démarche, et qu’ils l’approuvent. Le fait de venir au Mont des Cats, après avoir envisagé d’entrer aux Neiges – avant que la décision ne soit prise de sa fermeture – les réjouit également.
Nous avons choisi la fête du Baptême du Christ pour te donner l’habit. Ce n’était pas innocent, et les conférences de retraite que nous donne Dom Armand confirment cela. L’entrée dans la vie monastique n’est pas un acte anodin, surtout pas à ton âge. Tu décides effectivement de renoncer à tout, d’entrer dans une communauté et de te mettre dans l’obéissance à un supérieur. Même si un prêtre diocésain doit aussi renoncer à beaucoup de choses, c’est encore plus radical dans la vie monastique.
L’obéissance, le silence, l’humilité, sont des éléments constitutifs de la vie monastique. Il peut être difficile, après plus de 35 ans de ministère diocésain, de se remettre sur les bancs de l’école, même s’il s’agit de l’école de l’amour du Seigneur – pour reprendre l’expression de Saint Benoît – et d’accepter de se laisser façonner différemment désormais.
Mais revenons au Baptême du Christ. C’est à ce moment que Dieu Père confirma Jésus dans sa vocation de Fils Bien-Aimé. C’est par le sacrement du baptême que nous devenons fils du Père, fils avec le Fils Jésus. Après le baptême, les enfants sont revêtus d’une robe blanche… C’est ce que tu recevras maintenant, signe que l’entrée au noviciat est une confirmation du sacrement du baptême.
L’entrée dans la vie monastique est parfois considérée comme une « nouvelle naissance ». Pas en retournant dans le sein de ta mère, mais en t’ouvrant davantage à l’action de l’Esprit Saint en toi. Le chemin est long pour faire d’un bébé baptisé un bon chrétien. Le chemin est long aussi pour faire d’un novice un saint moine. C’est ce que nous te souhaitons de devenir, avec la grâce de Dieu.
Père Bernard-Marie