Cinquième Dimanche de Carême

Un mot est absent de ce récit, un mot que le récit pointe pourtant de plusieurs façons. Avec cette femme emmenée de force, enfermée au milieu du groupe, condamnée, puis   qui peut aller,         c’est de liberté qu’il s’agit : Jésus rend libre.
Les récits enchaînent d’abord les condamnations. La femme est déjà condamnée quand elle arrive auprès de Jésus. Son cas est clair : un flagrant délit ; son cas est grave : un adultère. Déjà elle est encerclée, enfermée, et la sentence est déjà rendue : la lapidation est seulement retardée d’un instant.
Et Jésus lui-même est condamné. La condamnation de la femme l’enferme dans un dilemme dont la seule issue est sa propre condamnation.
Les libérations s’enchaînent elles aussi. Dans cette affaire, ces scribes et pharisiens ne se sentent pas concernés personnellement, leur liberté n’est pas en cause, ils sont même hors de cause puisqu’ils sont les juges. Et pourtant ils leur arrivent quelque chose. Au début des faits, ils forment bloc. C’est d’un seul mouvement qu’ils entraînent la femme et l’enferment au milieu d’eux. Et, lorsqu’ils parlent à Jésus, c’est d’une seule voix qu’ils parlent. Et ce sera bientôt dans une même volée de pierres qu’ils mettront à mort la condamnée.
Jésus dissout ce bloc et ramène les personnes à elles-mêmes, il leur permet de rouvrir les yeux sur elles-mêmes. Un tel perçoit plus vite que tel autre la parole de Jésus, l’un s’éloigne avant l’autre. Ce qu’ils vivent n’est pas dit. Mais on pourrait, sans grand risque, aller chercher les quelques mots utilisés dans l’évangile de dimanche dernier. Ce fils qui a gaspillé tous ses biens et se trouve dans une misère terrible, ce fils « réfléchit »,       plus précisément : ce fils « rentre en lui-même ». Il cesse d’être emporté de ci de là par les besoins et envies, il revient à lui-même, à ce qu’il est en profondeur. De même ici, ces gens cessent d’être emportés par le groupe et la foule, et ils rentrent en eux-mêmes, ils reviennent à eux-mêmes, à leur conscience, à leur être le plus personnel. Et ils s’en vont l’un après l’autre, libérés de leur aveuglement sur eux-mêmes et libérés de l’entraînement du groupe.
La suite des événements montre que la femme est libérée elle aussi. Le groupe menaçant qui l’entourait se délite. Elle-même a droit à une parole, une parole respectueuse, qui la distingue de son péché : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » Et elle répond avec la même noblesse : « Personne, Seigneur ». Cette femme existe de nouveau pour quelqu’un, elle est en relation vraie avec lui. Jésus lui ouvre l’avenir : « Va, et désormais ne pèche plus ». Va le chemin que tu choisiras, le chemin que tu as à choisir, chemin de vie ou chemin de mort. Va, et mon invitation à aller t’accompagnera pour toujours.
Jésus rend libre, il met debout dans la vie. Par deux fois dans cet évangile, Jésus « se redresse ». Il « se redresse » pour parler aux scribes et aux pharisiens ; il « se redresse » pour parler à la femme. Lui qui « se redresse » et adresse une parole à son prochain, il « redresse » tous ses interlocuteurs, les appelle à revenir à eux-mêmes. Loin de condamner et d’enfermer, il rend libre et invite à aller et à tracer le chemin qui est leur vie.
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