Vingt-septième Dimanche du Temps.

La vigne du Seigneur.

La vigne est un thème de prédilection des prophètes et auteurs bibliques.  Le Seigneur soigne sa vigne, comme nous l’avons entendu dans la première lecture.  Les habitants du pourtour du lac de Galilée étaient fiers de leur vignoble.  Mais la situation économique n’était pas brillante, au point que la plupart des vignerons avaient dû céder leur patrimoine pour survivre.  Désormais ils n’étaient plus que de simples tâcherons à la journée pour cultiver leur propre lopin de terre.  Ce n’était donc plus en chantant que l’on se rendait à la vigne pour y travailler, mais dans l’attente de la pièce d’argent rémunérant la journée de labeur et à peine suffisant pour nourrir sa famille. 

Dans le Livre du Lévitique il est notifié qu’à l’occasion de l’année du Grand Pardon, l’année sabbatique, les Juifs retrouvaient leur patrimoine et leurs dettes étaient remises.  Mais comme cette année ne tombant que tous les 50 ans, certains osaient imaginer tuer l’héritier du propriétaire terrien pour récupérer leur bien hypothéqué.  Peut-être que des bruits couraient en ce sens parmi les journaliers dépossédés…

C’est à cause de la grande pauvreté du petit peuple autour du Lac de Galilée que Jésus se rendit là pour rendre leur dignité à ces gens.  Comment leur redonner espoir, leur redonner la joie de vivre ?  En étant proches d’eux et de leurs soucis, en faisant des guérisons, en leur parlant du Royaume de Dieu, en vivant pauvrement avec eux.  C’était le quotidien de Jésus sur les bords du Lac de Galilée. 

Dans l’Évangile de ce jour, Jésus se trouve dans le Temple de Jérusalem, face aux grands prêtres et les anciens du Peuple, qui cherchent une occasion pour l’arrêter.  Jésus adapte le fait divers des bords du Lac à la relation entre Dieu et son Peuple.  Les Juifs, grâce aux prophéties d’Osée ou d’Isaïe – comme celle que nous avons entendue en première lecture – se reconnaissent comme la Vigne du Seigneur, et ils sont reconnaissants à Dieu de leur venir en aide.  Mais, tant dans la réalité de Galilée que dans la parabole de Jésus, la situation dégénère…

Devant l’opposition des chefs religieux, Jésus transpose la dure réalité de la Galilée dans sa parabole à l’intention des grands prêtres et anciens.  Ces derniers ont très bien compris le message.  Les envoyés du propriétaire, ce sont les prophètes.  Les sévices qu’ils supportent sont de plus en plus importants, de plus en plus graves, et deviennent mortels.  La violence est croissante, l’opposition se durcit.  Les ouvriers d’une part, le propriétaire d’autre part, s’entêtent dans leurs positions.  La crise s’envenime, et l’on peut se demander pourquoi le maître envoie son fils.  Il devait bien se douter que les vignerons n’auraient pas de pitié pour l’héritier…

Ayant ainsi mélangé le fait divers et l’image de la Vigne du Seigneur, Jésus interroge ses auditeurs sur la suite à donner.  Que doit faire le propriétaire ?  Ils répondent :
Ces misérables, il les fera périr misérablement.
Il louera la vigne à d’autres vignerons…

L’art de la parabole, tout au long de l’Histoire Sainte, consiste à mettre les gens devant leurs actes en leur proposant une histoire qui, à première vue, n’a rien à voir avec la réalité.  Mais lorsque les interlocuteurs répondent à la question finale, ils sont mis devant leurs responsabilités et comprennent qu’ils ont été pris à leur propre piège. 

Jésus a exprimé dans cette parabole le fond de sa pensée.  Il est le Fils unique, le maître du domaine c’est Dieu son Père, et les ouvriers ce sont les chefs du peuple.  Ces derniers comprennent eux aussi l’allusion tellement limpide.  Mais ils ne se convertissent pas, bien au contraire.  Le verset suivant de l’Évangile, qui n’a pas été retenu pour la lecture de ce jour, dit expressément :
En entendant les paraboles de Jésus,
les grands prêtres et les pharisiens avaient bien compris qu’il parlait d’eux.
Tout en cherchant à l’arrêter, ils eurent peur des foules,
parce qu’elles le tenaient pour un prophète. (Mt 21,45-46)

On en conclut que tout le monde sait que les jours de Jésus sont comptés…

À notre tour, ayons confiance en Jésus qui marche à nos côtés et nous donne la force de vivre les moments de joie et de peine, et que tout concourt à notre bien, même si par moment nous ne savons pas où Dieu veut nous conduire.  Redisons-nous alors la parole de Paul entendue en deuxième lecture :
Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance…
Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir,
gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus.

Que la participation à cette eucharistie renforce notre foi et notre confiance que Dieu est toujours avec nous.  Il ne nous laissera pas tomber.  Notre chemin, à sa petite mesure, suit le chemin que Jésus a inauguré.  C’est un chemin de victoire.

Frère Bernard-Marie

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