Vingt-cinquième Dimanche du T.O.

Il donna à chacun une pièce d’argent.

La parabole que Jésus nous propose aujourd’hui est pleine de contradictions.  Laissons-nous interpeller par celles-ci, et posons-nous la question du pourquoi de ces situations que l’on pourrait dire « anormales ».
Le maître de la vigne passe toutes les trois heures sur la place pour prendre ceux qui s’y trouvent.  Cela ne l’empêche pas de poser la question lorsqu’il y retourne vers cinq heures :
Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ?

Le salaire n’est discuté qu’avec les premiers arrivés, ensuite le maître propose de donner ce qui est juste à ceux qu’il embaucha à neuf heures et ensuite on ne parle plus de contrat de travail.
Lorsque le maître en fin de journée rémunère les ouvriers, il provoque en fait la colère.  D’un point de vue purement humain, peut-on dire qu’il est « juste », qu’il est « bon », et qu’il fait ce qu’il veut de son bien ?  Tout responsable économique de nos jours aurait bien du mal à justifier de cette manière ses incohérences comptables.
Écoutons maintenant la phrase conclusive de Jésus à la fin de la parabole :
les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers.

Comme nous retrouvons cette même phrase dans les Évangiles de Marc et Luc regardons dans quel contexte ils la placent.  Chez Marc, Pierre vient de dire à Jésus :
Voilà que nous avons tout quitté pour te suivre,

sous-entendu : quelle sera notre récompense ?
Et Jésus répond :
Les richesses sur terre, avec des persécutions et,
dans le monde à venir, la vie éternelle.
(Mc 10,28-31)
En Luc, Jésus répond à la question qui lui est posée :
Seigneur, n’y aura-t-il que peu de gens qui seront sauvés ?

En disant :
Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite …
(Lc 13,23-30)
On peut donc relire la parabole de Saint Matthieu dans le sens de Marc et Luc.

Les personnes qui se retrouvent dès le lever du jour, à neuf heures, midi, quinze heures et au coucher du soleil, représentent ceux qui, à différents moments de leur vie, décident de se mettre au service de Dieu et de l’Église.  Autrement dit, ils sont prêts à répondre à une vocation spécifique.  Dieu les accepte et leur dit : Allez donc travailler à ma vigne.  La Vigne du Seigneur, traditionnellement, oui, c’est une expression courante pour le service dans l’Église.
Chacun peut se mettre au service du Seigneur et de l’Église selon ses compétences et selon sa vocation propre ou son état de vie.  Inutile d’être moine ou moniale, prêtre ou religieuse pour avoir droit à ce titre d’ouvrier de la vigne du Seigneur.  Chacun aussi peut proposer ses services au moment qu’il juge le plus opportun, et Dieu ne lui tiendra pas rigueur de ne venir qu’à la neuvième heure du jour ou au coucher du soleil.
Venons-en maintenant à la fin de la journée, lorsque le maître du domaine donne le salaire à chacun des ouvriers, la fameuse pièce d’argent.  Nous pourrions parler aussi d’un ticket d’entrée…  Dans la parabole des talents distribués à ses serviteurs, le maître fait les comptes et récompense les bons serviteurs en leur disant :
C’est bien, serviteur bon et fidèle, lui dit son maître, en peu de choses tu as été fidèle, sur beaucoup je t’établirai ; entre dans la joie de ton maître
.  (Mt 25,21.23)
C’est la même démarche dans l’Évangile de ce matin.  La récompense de nos labeurs n’est pas plus ou moins grande selon nos mérites ou nos performances, elle est la même pour tous et chacun.  Car, dans le ciel il n’y a pas de premiers et de derniers, pas de places réservées et de strapontin pour les mauvais élèves.  Il n’y a qu’une seule récompense, voir Dieu pour toujours et vivre dans son Amour.  C’est pour cela que le Maître dans la parabole répond aux grincheux :
Je veux donner à ce dernier autant qu’à toi :
n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon bien ?
Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que moi, je suis bon ?

Oui, le Seigneur est vraiment bon, Lui qui nous donne tout son Bien, Lui qui nous donne en partage la vie éternelle.  Avançons joyeux à la rencontre de notre Seigneur, dans cette Eucharistie, en devinant petit à petit la grande récompense qui nous attendra lorsque nous serons invités à entrer dans sa joie pour l’éternité.

Frère Bernard-Marie (Abbaye de Belval)

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