Trente-deuxième Dimanche du T.O.

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1R 17, 10-16; Hb 9, 24-28; Mc 12, 38-44 .
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Si Jésus n’avait exprimé son admiration, personne, sans doute, n’aurait remarqué cette « pauvre veuve » qui venait de glisser, si discrètement, ses deux piécettes dans le tronc du Temple. C’est plutôt vers les grands personnages, tous ces gens importants qui défilaient devant eux, que les disciples avaient les yeux fixés. Et c’est parce qu’ils ne s’attendaient certainement pas à cette remarque de Jésus, qu’elle est restée gravée dans leur mémoire et a traversé les siècles pour arriver jusqu’à nous.

De ces « pauvres veuves », de ces gens humbles et discrets, tellement effacés, qu’ils semblent être sans nom et sans visage, le paysage de nos villes regorge encore aujourd’hui. Et le sens premier de ce passage de l’Evangile de Marc, que nous venons d’entendre, c’est d’abord de nous aider à les reconnaître, à les regarder, à les faire sortir de leur anonymat. Ils sont là, autour de nous, passant inaperçus, mais tellement précieux aux yeux de Dieu.

L’art de Jésus, c’est de changer notre regard, ou plutôt de nous apprendre à regarder ceux que nous ne voyons plus, et qui sont si proches de nous. Car notre regard est sélectif. Il se nourrit de nos passions, de nos ambitions, de nos désirs cachés ou refoulés. Nous ne voyons plus les autres comme ils sont, mais en fonction de nos propres intérêts. Nous ne savons plus voir.

Nombreux sont les épisodes, dans les évangiles, où Jésus ouvre le regard de ses disciples à des réalités qu’ils ne voient plus. Il s’extasie devant la splendeur de la nature qui nourrit les oiseaux du ciel et pare de ses couleurs les fleurs des champs. La graine tombée au bord du chemin, au milieu des ronces ou des pierres devient une parabole du Royaume. La femme adultère, placée au milieu des regards accusateurs de ceux qui l’ont surprise, retrouve sa dignité perdue lorsque Jésus renvoie chacun des assistants à ses propres erreurs.

L’une des grandes leçons de tous ces récits évangéliques, c’est que nous ne voyons pas, que nous ne savons plus voir, que notre regard est déformé, tordu, prisonnier de nos rêves et de nos peurs. Et, parce que nous ne savons plus voir, nous ne savons plus discerner l’essentiel de l’accessoire, le bon du mauvais, le juste de l’injuste, la vie de la mort. A cause de notre aveuglement, comme les disciples, nous sommes fascinés par tout ce qui brille, tout ce qui tape à l’oeil, tout qui est aujourd’hui à la mode, et demain sombrera dans l’oubli.

En attirant l’attention de ses disciples sur cette « pauvre veuve », Jésus veut nous apprendre à regarder autrement la réalité de ce monde. Il veut nous enseigner à découvrir les splendeurs de bonté, de douceur, de patience et d’amour qui sont là, sous nos yeux, et que nous en voyons pas, que nous ne voyons plus. Il veut faire renaître en nous ce regard d’enfant qui s’émerveille de tout, qui n’est blasé de rien.

Tant de gens, autour de nous, parfois très proches de nous, nous parlent silencieusement de Dieu! Leur simple fidélité, leur générosité sans apprêt, leur bienveillance sans prétention embellissent notre monde. Mais nous ne savons plus les voir, nous préférons nous laisser gagner par la morosité ambiante. C’est tellement plus facile.

Ce que Jésus nous apprend, c’est que la vraie réalité est ailleurs. Nous avons besoin d’une guérison de notre regard, d’une conversion de notre regard, pour reconnaître que Dieu est à l’oeuvre, aujourd’hui encore, aujourd’hui plus que jamais, dans notre monde. Oui, pour nous aussi, autour de nous et en nous, aujourd’hui encore, le Seigneur fait des merveilles! Saint est Son Nom!

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