Zachée sur le sycomore
Lorsque Jésus arrive à Jéricho, il sait que son temps est compté. Il a également averti de longue date ses disciples que sa fin est imminente et c’est pour cela qu’Il monte à Jérusalem. Dans l’Évangile selon Saint Luc, c’est en arrivant à Jérusalem quelques jours après cette halte à Jéricho qu’a lieu la joyeuse entrée de Jésus et les acclamations des foules portant des rameaux et criant :
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! (Lc 19,38)
La halte de Jésus à Jéricho a donc une place importante pour Jésus et pour l’évangéliste. Jéricho a depuis les Patriarches une mauvaise réputation pour les habitants de Jérusalem. La vie au bord du Jourdain est facile, la flore est luxuriante puisque l’eau abonde. Le danger pour les habitants du bourg est d’oublier que tout ce qui pousse est don de Dieu. Pour les habitants de Jérusalem, la culture est plus difficile. L’eau ici est précieuse puisqu’elle ne tombe du ciel que lorsque Dieu bénit son peuple fait pleuvoir. L’insouciance et la vie facile d’une part, la présence de Dieu dans le Temple et la dépendance pour la fertilité du sol d’autre part, montrent que la vie et la religion sont différentes entre les deux communautés.
Partout en Israël, les publicains ou collecteurs d’impôts, sont honnis des habitants parce qu’ils se sont mis au service de l’occupant romain. Ils ont également tous les pouvoirs pour collecter voire extorquer les impôts. Zachée cumule donc les handicaps, lui qui est puissant à Jéricho la ville prospère où il est collaborateur et collecteur d’impôts. De plus, Zachée est de petite taille, ce qui est un handicap dans sa fonction et dans la tradition juive. Notre homme a donc tout pour être rejeté.
Mais lorsqu’il apprend que Jésus passe par là, le voilà qui se met à réfléchir à son sort et à s’interroger sur la personnalité de ce rabbi qui font accourir les foules. Voilà pourquoi il court en avant et grimpe dans un sycomore. Cet arbre est de la famille des figuiers, sous lequel Nathanaël s’était réfugié et s’entendit dire par Jésus :
Avant que Philippe t’appelât, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu. (Jn 1,48)
Le figuier et le sycomore sont deux arbres de la même espèce. Le sycomore ne donne des fruits comestibles que s’il est pincé, comme nous l’apprenons de la vocation du prophète Amos (Am 7,13). Le fruit doit être transpercé par une aiguille spéciale, tandis que le figuier porte un fruit comestible sans soins particuliers.
Dans la tradition rabbinique, l’expression « se placer sous le figuier » avait un sens tout particulier signifiant « se mettre sous l’autorité de la Loi » ou se mettre à l’école de la Loi. L’apôtre Nathanaël cherchait la vérité dans l’étude assidue de la parole de Dieu. Et il fut exaucé par Jésus lui-même.
Il en va de même pour Zachée sous le sycomore. Jésus le voit et l’appelle par son nom :
Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison.
La démarche de Jésus est la même pour Nathanaël et pour Zachée. Mais si le premier était un juif en recherche de la Vérité, Zachée a encore un parcours à accomplir avant d’arriver. C’est pourquoi il se met à l’ombre d’un figuier sauvage. Mais Jésus le voit sous le sycomore et l’invite à faire un bout de chemin avec Lui.
Jésus monte à Jérusalem où Il sera condamné et mis à mort, et Il le sait. Son corps sera pendu au bois et son transpercé de la lance. Comme le fruit du sycomore qui devient comestible lorsqu’il est percé, le salut donné aux Juifs sera dès lors donné à tous ceux qui croient en Lui. Zachée se convertit et promet de rembourser et de distribuer aux pauvres.
Les Juifs critiquent Jésus parce qu’Il est allé manger chez un pécheur notoire. Mais Jésus leur répond :
Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham.
Zachée n’est pas un fils d’Abraham au sens étroit du terme, mais un craignant-Dieu qui répond à la grâce lorsqu’elle vient à lui. Il est converti par la grâce de la mort de Jésus sur la croix. Il devient disciple de Jésus, au même titre que Nathanaël et les apôtres.
À notre tour, allons à la rencontre de Jésus, non pas sur le sycomore ou sous le figuier, mais ici en participant à l’eucharistie dans laquelle Jésus se donne en nourriture. Aujourd’hui Jésus nous dit, à nous qui sommes ici rassemblés :
Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison.
Frère Bernard-Marie