La préface de ce jour réussit à nous en dire beaucoup sur S. Joseph : homme juste, époux, serviteur fidèle et prudent, qui veilla comme un père sur Jésus. C’est un exploit car l’Evangile est vraiment laconique. Mais ne nous dit-il pas l’essentiel ?
La page la plus cruciale est bien sûr celle qu’on vient de lire. Cruciale au sens propre : Joseph a eu une croix incroyablement lourde. Evidemment, si l’on imagine que l’ange lui a donné toutes les explications et que le bon Joseph les a toutes comprises et de ce fait a pu dormir tranquille sur ses deux oreilles, alors la croix, si jamais elle a eu le temps d’exister, s’est estompée dès l’arrivée de l’ange, cad le temps de plonger dans le sommeil. Mais l’Evangile permet-il cette lecture ?
Bien sûr, l’Evangile nous dit à nous, qui sommes savants après 20 siècles de christianisme, il nous dit qui est Jésus et quelle est sa mission parmi nous, mais Joseph, lui, pouvait-il comprendre tout cela ? On peut penser qu’il a seulement compris un petit quelque chose. Non pas tout l’être et toute la mission de Jésus – un homme né de l’Esprit Saint et un Sauveur rédempteur des péchés du peuple – Non pas tout cela, mais quelque chose : tout au moins que le Seigneur Dieu était là, qu’Il intervenait. C’est d’ailleurs la première signification de cet ange, son premier message : non pas tant ce qu’il dit que ce qu’il est, un envoyé de Dieu, Dieu venant aux hommes.
Oui, Dieu est là, et je ne le savais pas. Mais comment l’aurait-il su ? Marie elle-même n’était que silence, enveloppée dans un mystère dont elle n’avait aucune représentation, pour lequel elle n’avait aucun mot, sinon ceux de l’ange, mais là encore, les mots de l’ange, que voulaient-ils dire pour elle, sinon le fait même de l’ange, cad la certitude de l’intervention de Dieu dans sa vie, dans sa vie la plus intime ?
Joseph, après Marie son épouse, fit ce que Dieu espérait de lui. Il fit, il accomplit concrètement cet acte inimaginable. Se fiant à Dieu lui-même, il prit chez lui son épouse, cela en dépit de tout. En dépit des faits les plus flagrants, et à l’encontre de la loi.
Ce Joseph est un homme rare. C’est peu de dire qu’il fut un juste, un prudent. Il a eu confiance, par-delà toutes les apparences, et en Dieu et en Marie sa promise. Son amour a eu foi à un degré que nous ne pouvons pas nous représenter.
Cet homme rare fut un père rare aussi : …si l’on en juge par la vie de son fils Jésus. En effet, jamais Jésus n’aurait pu nous évoquer avec tant de force le visage de son Père qui est aux cieux, s’il avait été encombré d’une image de la paternité faussée ou même simplement quelque peu fade ou mièvre. Jésus ne se branchait pas à volonté sur la longueur divine ou humaine, pour nous donner les bonnes infos. Il était tout entier homme et tout entier Dieu. Et donc tout en lui interférait dans les deux sens. Et c’est à travers son père de la terre, Joseph, que Jésus a sondé le mystère de son Père des cieux.
Se confier à un tel homme, S. Joseph, c’est vraiment s’appuyer sur un roc. Ce veilleur emmène loin. Père comme tous nos pères de la terre mais d’une qualité exceptionnelle, il conduit à Celui de qui vient toute paternité au ciel et sur la terre, Celui en qui la paternité est au-delà de tout, – de toute largeur, longueur, hauteur, profondeur, « à lui qui peut, par sa puissance qui agit en nous, faire au-delà, infiniment au-delà de ce que nous demandons et concevons, à lui la gloire dans l’Eglise et en Jésus-Christ » (Ep 3).
Père Abbé