C’est fête du Saint-Sacrement du corps et du sang du Christ. « Admirable sacrement », selon les mots de la prière d’ouverture. Ce « sacrement » n’est pas tombé du ciel un beau jour : il est tout rempli de l’histoire d’Israël, et de toute l’histoire de Jésus. Cette fête est donc bien à sa bonne place après le temps de Pâques.
Dans ces « derniers temps » où nous sommes, Jésus nous donne un pain et un vin pour la route. Ce ne sont pas les victuailles pour être en bonne forme la journée. C’est un pain d’éternité, un pain, un vin qui font goûter l’éternité, qui font goûter Dieu l’Eternel. Non un éternel abstrait mais un éternel concret. Doublement concret, d’ailleurs : concret de Jésus glorifié par Dieu et concret de notre pain de chaque jour. Comment est-ce possible ? C’est que l’un et l’autre, Jésus glorifié et le pain de cette terre, sont pris dans une alliance de Dieu toute tournée vers nous.
Une alliance… C’était déjà la clé de ce qui se passait entre Dieu et son peuple au Mont Sinaï. Moïse a transmis au peuple les paroles du Seigneur : Dieu s’engage, et le peuple répond, il s’engage lui aussi. Et cette Alliance est concrétisée dans un signe : Moïse asperge du même sang l’autel du Seigneur puis le peuple qui accepte solennellement les paroles du Seigneur.
Jésus, à la dernière Cène, quelques heures avant son arrestation, utilisera un autre signe : celui du pain partagé et de la coupe bue ensemble. La coupe qu’il a en mains, il la donne à ses disciples, « et ils en boivent tous », dit S. Marc. Jésus leur explique que ce signe est signe d’une alliance. Mais ce n’est pas simplement celle du Sinaï.
En effet, ce sang de l’Alliance qu’il leur donne à boire, il déclare que c’est son sang. « Son sang répandu pour la multitude », c’est-à-dire sa vie qu’il va donner, et vraiment donner car il désigne le destinataire : « la multitude ».
Et l’Eucharistie que nous célébrons, sacrement du sang du Christ versé pour nous, est faite de toute cette réalité : l’alliance du Sinaï renouvelée, le signe de la coupe offerte à tous, la vie de Jésus donnée jusqu’au bout, et Jésus à jamais vivant accueilli dans la gloire du Père.
La coupe et le pain sont totalement pris dans le geste de Jésus pour nous, c’est-à-dire dans toute la volonté, toute la démarche de Jésus, jusqu’au bout de sa vie et jusque dans sa vie glorifiée par son Père. En recevant l’Eucharistie, nous recevons cette Alliance nouvelle dans laquelle Jésus se donne à nous, et, avec lui, le Père.
Ce Père qui, lui-même, n’est qu’offrande de soi à qui veut bien lui ouvrir. Notre Père, comme Jésus, vient au-devant des pécheurs que nous sommes. L’Eucharistie le dit réellement dans le concret du sacrement, en même temps qu’elle nous donne les mots et l’élan pour rendre grâces au Père avec Jésus et en Jésus.
Père Abbé