Solennité du Sacré-Coeur

Dans la tradition cistercienne…

Alors que, pour certains, Saint Bernard est le « fondateur » de l’ordre cistercien, reconnaissons-lui au moins sa participation active dans la spiritualité cistercienne.  Même s’il n’a pas fait du neuf, Saint Bernard a très fortement mis en avant la relation entre l’âme du croyant et Dieu.  Pour ce faire, il a « actualisé » les enseignements de Saint Augustin et la tradition juive, lorsqu’il a commenté le Cantique des Cantiques à ses moines.  Ces sermons ont eu un impact très important dans le monde monastique de son époque.  Pour en rester chez les cisterciens, on doit citer Baudouin de Forde et Gilbert de Hoylande.  Gilbert tout particulièrement s’est inspiré de Bernard mais ne se jugea pourtant jamais digne de commenter à nouveau un texte du Cantique que Bernard avait expliqué.  Il reprit donc, à partir du verset que Bernard aurait commenté s’il n’était pas décédé. 

Sans faire ici un cours d’histoire de la spiritualité cistercienne, disons tout de même que Saint Bernard a marqué durablement la quête de Dieu dans le monde monastique.  Rendons-nous, maintenant, un siècle après Saint Bernard et regardons deux personnes qui marquèrent à leur tour la spiritualité et l’Église. 

Dans la principauté de Liège, Sainte Julienne du Mont Cornillon connaissait par cœur presque tous les Sermons sur le Cantique de Saint Bernard.  Ayant été privilégiée de grâces particulières, Dieu lui demanda d’œuvrer pour l’établissement de la fête du Saint Sacrement.  La fête fut célébrée dans le diocèse de Liège dès 1247, et fut instituée pour l’Église universelle en 1264 par le pape Urbain IV.  Julienne n’était pas cistercienne, mais fut inhumée à l’abbaye de Villers en Brabant aux côtés des bienheureux de cette communauté. 

Au début du siècle suivant, l’abbaye de Helfta a la grâce d’avoir trois religieuses mystiques en son sein.  Par ses écrits, Gertrude la Grande œuvra à l’instauration de la fête du Sacré-Cœur de Jésus.  C’est dans son livre Le Héraut de l’Amour Divin qu’elle décrit le mieux ce que symbolise le Cœur de Jésus.  Le Cœur de Jésus, nous l’atteignons uniquement par la plaie du côté reçue sur la croix.  Il est débordement d’amour rédempteur, il est le cœur blessé dans le sens le plus fort de l’expression. 

En 1675, Jésus demanda à Sainte Marguerite-Marie Alacoque, visitandine de Paray-le-Monial, qu’elle œuvre à l’institution d’une fête en l’honneur de son Cœur.  Mais la fête ne fut officiellement instituée pour l’Église Universelle qu’un siècle plus tard.  Ce qui n’empêche qu’aujourd’hui encore, on se réfère souvent aux écrits de Sainte Gertrude pour illustrer cette fête. 

Ainsi, les deux dernières fêtes du grand cycle du Temps Pascal ont, d’une certaine manière, leur origine dans la tradition cistercienne.  Chacune à sa manière veut insister sur l’amour sans bornes de Jésus-Christ, l’amour divin de Dieu son Père pour chacun de nous.  Réalisons-nous aujourd’hui que l’intuition originelle de ces deux fêtes est cistercienne ? 

Un autre indice pour le comprendre, c’est la manière avec laquelle nous célébrons ces deux solennités.  Dans les deux cas, après la grand-messe, le Saint Sacrement est exposé et nous sommes invités à l’adorer tout au long de l’après-midi.  Pour la Fête-Dieu cette pratique est aisément compréhensible.  Pour le Sacré-Cœur un peu moins.  Disons que le « Cœur » de Jésus est représenté par l’Hostie dans l’ostensoir.  C’est le cœur – qui nous aime jusqu’à mourir par amour pour nous – qui rayonne dans l’Hostie.

Durant les temps d’adoration qui nous sont proposés ce jour, plaçons-nous devant Jésus-Hostie et laissons son rayonnement d’amour nous irradier et adoucir notre cœur de pierre, afin qu’il devienne cœur de chair.

Méditons cette parole de Saint Jean entendue en deuxième lecture :

Voici en quoi consiste l’amour :
ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés,
et il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés.

Et Saint Bernard, en se référant à ce texte, nous répond dans son Traité de l’Amour de Dieu (Dil VI,16) :

Comment il faut aimer Dieu ?
D’abord reconnais ceci : Dieu mérite notre amour sans mesure.
C’est lui qui nous a aimés le premier
Lui qui est si grand, il nous a aimés d’un amour très grand, tout à fait gratuit,

nous qui sommes si petits ! 
Et il nous a aimés tels que nous sommes.
C’est pourquoi : la mesure pour aimer Dieu, c’est de l’aimer sans mesure.
Or, l’amour qui tend vers Dieu tend vers celui qui est immense et sans limite.

… parce que, Dieu est immense, et il nous aime.

En ce jour de fête, ouvrons notre cœur à cet amour infini et, dans cette Eucharistie, demandons à Jésus la grâce de répondre à son amour infini par notre amour tellement limité et imparfait. 

Frère Bernard-Marie

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