Solennité de l’Epiphanie du Seigneur, Année A

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Is 60, 1-6; Eph 3, 2-3a. 5-6; Mt 2, 1-12.

 

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Ne sommes-nous pas appelés, d’une certaine façon, nous aussi, à devenir comme les mages de l’évangile? Ne sommes-nous pas en effet invités à sortir du paganisme ambiant qui façonne les pensées et les attitudes de notre monde? Ne sommes-nous pas appelés, nous aussi, à quitter nos habitudes, nos anciennes manières de réagir, nos vieux démons souterrains? Ne sommes-nous pas poussés, nous aussi, à traverser de vastes espaces de solitude et de silence, à changer d’horizon et de quête, avant de découvrir enfin, dans l’enfant de la crèche, le Christ, le Seigneur?

Ne sommes-nous pas semblables à ces mages qui ont appris à lire dans le ciel les signes de Dieu? N’avons-nous pas, nous aussi, peu à peu, appris à questionner les hommes et les Ecritures, sans nous laisser décourager ni détourner de notre recherche? Ne sommes-nous pas, nous aussi, devenus des aventuriers dans un monde où tout doit être assuré et garanti? Venus d’un ailleurs, venus de nulle part, nous voilà rassemblés autour de Jésus, Marie et Joseph, avec les mages des Ecritures, pour adorer, nous aussi, ce Dieu qui s’est fait chair.

Et comme les mages, ne sommes-nous pas, nous aussi, remplis de questions sans réponses, de certitudes pleines d’obscurités, de paroles débordant de silence? Nous savons, mais sans vraiment savoir, comme si notre science nous faisait prendre toujours plus conscience de notre ignorance. Nous voyons, mais sans voir, car nous découvrons à quel point nous étions aveugles. Tel est bien le défi singulier de l’Epiphanie, de la manifestation de Dieu en ce monde. Il ne peut se montrer qu’en se cachant, se dévoiler qu’en se dérobant.

Dieu est là, mais tellement petit, tellement humble, tellement pauvre, qu’il faut un coeur nouveau, des yeux nouveaux, un désir nouveau, pour le reconnaître et l’adorer. Ne nous y trompons pas, le chemin parcouru par les mages était nécessaire pour qu’ils laissent tomber toutes leurs idées sur ce qu’ils cherchaient, sur ce qu’ils allaient trouver. Ces milliers de kilomètres parcourus avec leurs pieds, c’est aussi et surtout avec leur coeur qu’ils ont dû les traverser, heure après heure, jour après jour, semaine après semaine.

De cette lente progression vers celui qui venait, aucun moment ne fut inutile. Car il leur fallait dépouiller le vieil homme, avec ses convoitises décevantes, ses attentes superficielles et vaines, pour revêtir l’homme nouveau, recréé à l’image du Christ. En effet, seul celui qui porte déjà en lui l’image de Dieu peut reconnaître le modèle. Seul celui qui a déjà entendu la divine musique de la Parole de Dieu peut en percevoir les douces harmoniques dans la cacophonie de ce monde.

Ce que nous apprend cette histoire des mages, c’est que le grand absent, ce n’est pas Dieu, mais l’homme! Combien sont-ils autour de l’enfant de Béthléem? Quelques bergers et trois mages! Les sages et les grands de ce monde sont restés à Jerusalem, rongés d’inquiétude et de jalousie. On en parlait pourtant dans tout Jérusalem, mais personne n’a pris la peine de se déplacer! Les habitants de Béthléem, quant à eux, ont continué à boire et à se divertir dans l’auberge toute proche.

Cependant, si l’Epiphanie, la manifestation du Christ, est demeurée un événement confidentiel, pour ceux qui en étaient les contemporains, elle est devenue pour nous un moment essentiel de l’histoire du salut, de l’histoire tout court. Et sans doute est-ce encore le cas aujourd’hui? Ce qui compte vraiment, ce qui marquera les siècles à venir, ce n’est pas ce qui fait le plus de bruit, mais ce que Dieu accomplit, dans le secret, au coeur de tant d’hommes et de femmes de notre temps, qui acceptent de devenir, à leur tour, des pélerins, à la suite des mages, sur les chemins de Dieu.

 

 

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