(Avec l’Évangile de l’Année A)
Babel, c’est la constatation de la division entre les hommes. La multiplicité des langues utilisées par toute la terre manifeste les séparations entre les divers groupes humains. Ils ne se comprennent pas. Pentecôte en est le contraire. L’un comprend l’autre, en dépit de la différence de pays et de langue. L’homme est capable de faire ce passage et y travaille ; l’Esprit Saint le réalise, et parfaitement.
Il y a quelque chose de Babel au début du passage de l’Evangile de Jean que nous venons d’entendre. Après la mort de Jésus, le groupe des disciples se retrouve encore ensemble, mais ils sont enfermés dans la peur. Et du coup, les portes sont verrouillées ; les disciples se sont retranchés à l’abri du reste du monde.
Nos vies tiennent aussi de ces deux lieux : Babel l’incompréhension, et la maison de Jérusalem verrouillée. Elles aspirent à la communication et à l’échange à l’air libre. Elles aspirent à la vie, et à la vie vivante, celle qui, en Dieu même, n’est qu’échange.
Jésus a été envoyé pour cela même, et l’Esprit qu’il nous envoie accomplit son œuvre.
C’est l’Esprit Saint qui donne aux apôtres d’être compris par n’importe quel pèlerin juif venu de n’importe où sur la terre. Le même et unique message, celui de la Bonne Nouvelle de Jésus, celui de l’Evangile de la grâce de Dieu, les rejoint tous par-delà toutes les barrières possibles. Il les rassemble dans une même écoute, une même ouverture. L’esprit ne gomme pas la diversité des langues : mais, dans cette diversité, et au-delà d’elle, il fait vivre une communion, celle qui descend du Père et du Fils, la communion qu’il est, lui, l’Esprit Saint, et qu’il sème en nos cœurs.
Dans l’Evangile de Jean aussi, la venue de l’Esprit décoince, si l’on peut dire, les apôtres enfermés dans la peur. Non seulement ils passent de la peur à la joie, mais ils deviennent eux-mêmes porteurs de la communion qu’est l’Esprit, ils deviennent créateurs de communion.
Deux signes de cela. Jésus leur dit : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Non seulement il les fait sortir de l’enfermement, mais il les envoie positivement. Or, c’est un envoi grand ouvert. Ils sont envoyés non vers ceux-ci ou vers ceux-là. Ils sont envoyés sans précision supplémentaire : ils sont envoyés à tout homme qui a des oreilles pour entendre et un cœur pour aimer.
Deuxième signe : Jésus souffle sur les apôtres et dit : « Recevez l’Esprit Saint ». Il ajoute : « Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ». En recevant l’Esprit Saint, les apôtres deviennent porteurs du pardon qu’offre Jésus, du pardon que le Père offre en lui et par lui. Les apôtres, et nous avec eux sous le souffle du même Esprit Saint, nous sommes mis à l’écoute du pécheur, càd de notre frère, de tous nos frères, et nous recevons mission de lui transmettre la vie par le pardon de Jésus.
L’Esprit Saint est donc bien celui qui envoie les frères les uns vers les autres et les lie ensemble. Il noue la communauté des frères. Et, par là même, il ne cesse de les ouvrir à tous sans différence, et de les envoyer là où ils ne savent pas, là où lui seul, l’Esprit Saint, sait.
Père Abbé