Le paradis terrestre
La première lecture de ce matin nous rappelle le péché originel et le paradis terrestre. Adam et Ève avaient été créés purs et sans péché et ils avaient été placés dans le paradis pour le cultiver. Ils conversaient librement avec Dieu qu’ils voyaient face à Face. Ils n’avaient pas honte l’un envers l’autre.
L’idylle ne dura malheureusement pas… Le serpent vint s’immiscer et insuffla à l’oreille de nos deux amoureux qu’ils pouvaient manger du fruit de l’arbre. Alors leurs yeux s’ouvrirent, dit le texte, et ils connurent qu’ils étaient nus. Et ils eurent honte (Gn 3,4-6).
Le Seigneur, en même temps qu’Il punissait nos premiers parents et le serpent, promit de restaurer la relation privilégiée perdu par le premier péché. Dans la longue Histoire Sainte qui court jusqu’à aujourd’hui, nous pouvons faire un bref relevé des différentes interventions divines en vue de nous rendre l’innocence du paradis.
À la sortie d’Égypte, Moïse conduisit le peuple à la Montagne du Seigneur, le Sinaï, où le peuple rendit un culte au Seigneur. Dieu donna alors les Tables de la Loi et l’Alliance fut conclue entre le Seigneur et le Peuple, pour faire d’Israël une race choisie, un peuple saint. Mais il ne fallut que peu de jours pour que le peuple pèche contre le Seigneur…
Moïse conduisit ensuite le Peuple vers la Terre de la Promesse, pays où ruissellent le lait et le miel (l’expression revient 15 fois dans le Pentateuque). Dès le retour des hommes éclaireurs qu’il avait envoyés reconnaître le pays, certains d’entre eux décrièrent celui-ci car il dévore ses habitants (Nb 13,27-33). Pour les punir, le Seigneur obligea le Peuple à faire demi-tour et à errer quarante ans dans le désert.
Les prophètes Jérémie et Ézéchiel rappelèrent, en d’autres circonstances, que Dieu avait donné au peuple le pays qu’ils habitaient, terre ruisselant de lait et de miel. Mais à cause du péché d’Israël, l’exil était inéluctable (Ez 20,6-13).
Afin de renouveler la grâce du paradis perdu, Dieu créa ensuite, et c’est la fête de ce jour, Marie conçue sans péché. Le couple de Marie et de Joseph put revivre le don de l’amour profond et béni par Dieu. Cet amour qui permit à Marie d’enfanter Dieu le Fils en sa chair. Nouveau couple parfait, qui vécut en harmonie entre eux, en relation privilégiée avec Dieu Père et avec son Fils Jésus.
Cette cellule familiale à l’image du couple de nos premiers parents, n’arriva malheureusement pas à rayonner suffisamment pour que d’autres « craignant-Dieu » suivent leur exemple. De même Jésus, l’homme parfait, se rendit rapidement compte que le message de paix et de bonheur qu’il proclama dans les Béatitudes, ne serait pas entendu et encore moins pratiqué par ses contemporains.
Lui qui rayonnait la paix de Dieu et l’harmonie de la création, ne fut pas compris. Sa famille vint même se saisir de lui car, disait-elle, il a perdu la tête (Mc 3,21), ses disciples se querellèrent pour savoir qui d’entre eux est le plus grand (Lc 22,24), et pour finir les chefs du Peuple décidèrent de mettre Jésus à mort car il perturbait leur religion pointilleuse (cf. Jn 18,14).
Après la résurrection de Jésus, les disciples savaient que le monde nouveau et la terre nouvelle commençaient. La victoire du Christ sur la mort est définitive et irrévocable. La première communauté chrétienne essaya de vivre cette nouvelle relation avec le Ressuscité et entre ses membres. Ils étaient unanimes et n’avaient qu’un cœur et qu’une âme, nous disent les Actes des Apôtres (Ac 2,44-47). Mais le démon, le diviseur rôdait, et l’unité fut rompue par Ananie et Saphyre qui mentirent à l’Esprit Saint (Ac 5,1-11).
Telle était l’Église des premiers temps, telle elle est encore jusqu’à aujourd’hui, telle elle sera jusqu’à la consommation des temps. L’Église, c’est d’abord la grande Institution, mais c’est également chacune des églises locales, les communautés chrétiennes, les communautés religieuses. Combien de fondateurs se référèrent-ils aux Actes des Apôtres pour définir la sainteté et l’unanimité qui doit régner entre les membres ? Toutes les communautés souffrent du péché de ses membres, de la faiblesse humaine, de l’orgueil ou de la jalousie.
Sainte par vocation, pécheresse par ses membres, telle est l’Église corps du Christ. Marie, Mère de Dieu est également Mère de l’Église. À ce titre aussi, il fallait qu’elle soit sainte et sans tache, immaculée dès sa conception. Dans une première acception on applique à Marie Immaculée la prophétie de l’ange à Adam et Ève qu’elle meurtrirait la tête du serpent. Mais cela vaut encore plus pour l’Église elle-même, dont le Christ est la tête, dont Marie est l’Image, dont nous sommes les membres. Cette victoire que nous connaissons ne se réalisera vraiment qu’à la fin des temps. Alors le paradis perdu sera définitivement remplacé par le ciel lui-même. Là nous nous entretiendrons avec Dieu dans la brise du soir, sans avoir honte de notre nudité. Nous serons vraiment un cœur et une âme avec tous les saints et pour toujours.
Frère Bernard-Marie