Homélie pour les funérailles de Frère Aimable

Le Vivant, celui qui s’est manifesté à Marie-Madeleine et aux Onze : Jésus, reviendra un jour, et Dieu nous emmènera avec lui, nous tous les morts et les vivants, comme le dit S. Paul. « Ainsi nous serons pour toujours avec le Seigneur. »
C’est notre espérance pour F. Aimable. Le Seigneur ne tiendra-t-il pas sa promesse à cet homme qui a mené une si longue vie chrétienne, et si fortement chrétienne ? Le Seigneur devrait avoir de bonnes raisons de l’accueillir auprès de lui…
Une première est la longueur et la régularité de son parcours. La venue du Seigneur semblait imminente, à cause de son cœur, mais il n’est parti qu’au terme d’une très longue attente. Cela ne l’a pas troublé. Il était, d’ailleurs, très bien équipé pour ce long périple : un équilibre, un bon jugement, une force intérieure, et un rapport avec autrui conforme à son nom. Après avoir connu et participé aux premiers temps de la JOC, il a traversé avec engagement, droiture et fidélité des dizaines d’années de vie monastique d’abord très chargées et mouvementées, puis plus calmes et retirées.
Le Seigneur se doit de répondre à son beau chemin jusqu’à la fin. Les derniers temps, il ne savait plus lire autant qu’avant ; alors, disait-il, je lève les yeux et regarde le Christ, la représentation qui se trouvait juste en face de lui. Et mercredi soir, le dernier soir, on ne comprenait plus les quelques mots qu’il essayait de prononcer tant il était faible. Cependant, il a regardé plusieurs fois vers Jésus, puis on a réussi à comprendre qu’il disait : « Jésus » et faisait signe : il voulait communier ; ce qui s’est fait sur le champ. A celui qui l’appelle ainsi jusqu’au bout, le Seigneur ne viendra-t-il pas ?
Il devrait aussi répondre à ses « mercis ». Et son premier « merci » était celui qu’il adressait au Seigneur. « Quand je regarde en arrière, disait-il, quand je regarde la vie que j’ai eue, je ne peux que remercier ».
L’autre « merci » s’adressait à la communauté. Il était heureux de la communauté. Dans la première partie de sa vie monastique, il a pourtant été bien pris dans des charges et des travaux, ce qui requérait une belle obéissance et disponibilité. Il a aussi connu des bouleversements qui l’ont atteint profondément, en particulier la fin de l’organisation de la communauté en deux groupes distincts, les choristes et les convers, lui qui avait choisi la vie de frère convers et y tenait beaucoup. A l’occasion, il savait aussi faire part de regrets, de souhaits, mais discrètement : demandant, par exemple, davantage de présence des frères lors de l’adoration de la Fête-Dieu, ou plus de solennisation de la fête de S. Joseph, une grande fête anciennement au Mont des Cats…
Il rendait aussi grâce bien sûr pour cette grâce toute particulière : celle de voir son père, F. Gaston, entrer un peu après lui au monastère. Cette même vocation fut source de joie profonde et de force plus grande encore. L’une des dernières paroles qu’il ait reçues de son père fut un royal cadeau pour la route encore à parcourir, et elle devait être bien longue encore, cinquante-neuf ans ! Son père lui a dit : « Je prierai pour ta persévérance ». Nous penserions peut-être : A quoi bon cette prière ? F. Aimable pouvait-il un jour changer de voie ? Mais non : ce père était réaliste, comme F. Aimable n’explicitait pas son action de grâce pour les personnes qu’il avait rencontrées mais on la sentait vivante en lui. Ses travaux et voyages en tous genres lui ont fait croiser tant de monde. Il évoquait souvent le souvenir de quelques figures particulièrement remarquables, comme Petite Sœur Magdeleine fondatrice des Petites Sœurs de Jésus, et surtout Mère Pia de Grottaferrata. Ces grandes relations, il les a vécues comme des grâces du Seigneur. Mais aussi tant d’autres. Bien des personnes ont aussi reçu son aide discrète et en gardent une vive gratitude.
Nos « mercis » viennent se joindre aux siens. La communauté lui doit beaucoup, par les responsabilités qu’il a portées comme par sa simple présence. Elle n’est pas la seule : d’autres communautés le remercient aussi : Frattocchie, Grottaferrata, Belval, la Maison Généralice. Dans la mesure où il le pouvait, il a rendu service.
Ce vraiment « bon serviteur » du Seigneur ne se faisait aucunement valoir, pas la moindre trace de vaine gloire. Et devant le Seigneur, son attitude demeurait très juste. Ainsi, ces derniers temps, il disait vivre deux choses à la fois. « D’une part, l’abandon : on accepte ; d’autre part, le mystère : on ne sait pas ce qu’il y a au-delà ». Authenticité de l’homme qui sait qu’il ne sait pas et qui fait cependant totalement confiance à la personne aimée depuis toujours et aimée jusqu’au bout. Authenticité de Dieu et de la vie glorieuse de Jésus ressuscité, qui dépasse nos imaginaires et ne nous fait signe que grâce à des témoins et à l’Evangile qu’ils nous ont transmis.

Que le Seigneur veuille donc bien accueillir son serviteur fidèle.
Et que F. Aimable nous soit un signe supplémentaire
de la richesse de vie de Jésus, Jésus ressuscité le Vivant.

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