Funérailles de Frère Joseph, Fête de Saint Matthieu, Apôtre

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Eph 4, 1-7.11-13; Mt 9, 9-13.

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C’est sous un soleil radieux, au cours de la liturgie de la fête de l’Apôtre Saint Matthieu, que nous allons accompagner ce soir notre Frère Joseph, jusqu’au seuil de la maison du Père. Pour celui qui était le doyen de notre communauté, le Royaume était devenu, depuis de longues années, son unique désir, son unique souci, la joie de son coeur. Et les longues années passées dans la solitude de sa chambre d’infirmerie, loin d’user son désir, l’ont, au contraire, rendu plus tenace, plus serein, plus profond.
Sans doute n’est-ce pas un hasard si les lectures de la liturgie de ce jour, en nous proposant deux passages tirés du Nouveau Testament, nous ont tracé un portrait saisissant de vérité et étonnamment fidèle de notre frère. Les paroles de Jésus qui affirme que « ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades », nous révèlent en effet l’un des grands secrets de la vie de notre frère.
Car Frère Joseph, après avoir passé de longues périodes hors du monastère, pour se soigner, y était revenu, il y a seulement quelques années. Cette interruption de sa vie monastique n’avait pourtant pas diminué son désir. Bien au contraire. Et lorsque ses yeux s’obscurciront, jusqu’à le laisser progressivement complètement aveugle, et lorsque son corps refusera petit à petit de le porter, loin de se décourager ou de se plaindre, il y verra comme un don, un signe de la tendresse de Dieu qui lui permettait ainsi de se laisser glisser complètement dans la prière, loin des tentations et des distractions de la vie.
Ce don particulier qu’il avait, de voir un signe de la bonté de Dieu, dans tout ce qui lui arrivait, même de plus pénible, a étonné et touché chacun de ceux qui l’ont approché. Les handicaps, les misères de la vieillesse, il en a fait un chemin d’amour et de paix. De sa maladie, il a fait un chemin de grâce. Mais cela ne se fit pas sans combats. Il nous disait souvent que le plus grand ennemi, c’était d’abord dans son propre coeur qu’il l’avait trouvé.
C’est pourquoi il reprenait aussi très souvent à son compte la dernière phrase du passage de l’Evangile que nous venons d’entendre: « je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs » . Notre Frère connaissait son péché. Il l’avait affronté à mains nues, il l’avait regardé en face, et avait fini par n’en avoir plus peur. Cette étonnante lucidité lui conférait une surprenante sagesse, une sagesse qui seule peut mûrir dans le coeur des plus humbles, de ceux qui n’ont plus rien à cacher, plus rien à perdre, parce qu’ils n’ont rien gardé pour eux-mêmes.
Les dernières années de sa vie, notre Frère Joseph les a consacrées uniquement, entièrement et absolument, sans concession aucune, à la prière. Il ne faisait plus que prier, de jour comme de nuit. Il était devenu prière. Ce don de la prière, il en parlait parfois, comme si cela était une chose naturelle, comme si nous l’avions tous en partage, comme si nous pouvions comprendre ce qu’il nous partageait. Il vivait en Dieu, tout simplement. Et ceux d’entre nous qui se risquaient parfois à venir l’en distraire, repartaient rapidement, repris avec fermeté pour leur légèreté. Frère Joseph ne voyait plus les choses de ce monde, mais une autre lumière s’était levée dans son coeur.
En vivant sa vocation jusqu’au bout, jusqu’au dernier souffle, notre frère nous a laissé, comme un testament, le plus beau des témoignages, celui d’un homme devenu prière. Il a accompli sa mission sur cette terre, il est devenu moine. Mais soyons sûrs que la fidélité de sa prière ne manquera jamais à cette communauté du Mont des Cats, qu’il a tant aimée. Soyons assurés qu’il continuera à veiller sur nous.

 

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