Dix-septième Dimanche du Temps Ordinaire

2R 4, 42-44; Eph 4, 1-6; Jn 6, 1-15.
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Lorsque nous écoutons ce récit de la multiplication des pains, notre attention est surtout attirée par le premier signe accompli par Jésus, le plus merveilleux, le plus spectaculaire. Avec cinq pains d’orge et deux petits poissons, le Seigneur nourrit une foule d’environ cinq mille hommes, nous dit Saint Jean. Mais, si nous sommes plus attentifs, nous discernerons peut-être, dans le geste de bénédiction et de partage de Jésus, une première annonce de la dernière Cène,  source de notre célébration de l’eucharistie. Mais le dernier signe, évoqué par Saint Jean, la plupart du temps, nous le remarquons à peine, et nous passons rapidement, sans le voir.

Pourtant, c’est à travers ce dernier signe, si mystérieux et si étrange, que Saint Jean veut nous dévoiler le mystère de la personne et de la mission de Jésus. En effet, Jésus sait bien que la foule, une fois rassasiée, cherchera à faire de Lui son roi. Il sait que, de tout temps, les hommes sont toujours prêts à adorer et à vénérer ceux qui leur offrent du pain et leur promettent un avenir radieux! Le pouvoir, la réussite, la gloire sont à portée de main. Il lui suffirait de saisir cette opportunité, pour devenir leur roi.

Pourtant, loin de céder à cette logique de la foule, Jésus se retire, dans la solitude, au coeur de la montagne. Face à cette foule prête à tout pour sa nouvelle idole, et contre toute attente, Jésus part, tout seul, dans la montagne. Saint Marc et Saint Matthieu ajouteront qu’Il se retire à l’écart pour prier. Par ce simple geste d’adoration, Jésus renverse complètement la signification de ce qui vient de se passer. A la foule stupéfaite, aux disciples muets d’incompréhension, Jésus offre un signe bien plus grand encore que la multiplication des pains, bien plus fort que tous les miracles jamais accomplis.

En effet, loin de ramener à sa propre personne ce qui vient de se passer, Jésus s’efface. Au lieu de se glorifier, Il tombe à genoux. Et, en faisant cela, Il oriente tous ceux qui commencent à s’attacher à Lui vers un Autre. Non seulement le Fils reçoit tout  de Son Père, mais Il ne garde rien pour Lui-même. Tout ce qu’Il a, Il le rend au Père. Son être profond, c’est de recevoir et de se donner, sans rien arrêter, sans rien garder pour Lui-même. Par ce dernier signe, le plus discret, Jésus nous dévoile ce mystère qui L’unit à Son Père, le mystère de l’intimité de Dieu.

A nous, qui sommes si jaloux de ce que nous croyons avoir, de ce que nous pensons savoir, Jésus révèle ainsi une autre manière d’être, d’exister, de vivre. Il nous montre un chemin complètement nouveau, qui n’a plus rien à voir avec les signes merveilleux, les prodiges extraordinaires, les réussites spectaculaires. La multiplication des pains n’est en fait que le prélude, l’introduction, un peu tapageuse, d’une révélation bien plus haute, bien plus vertigineuse, bien plus exigeante.

Car notre vocation est tout entière dans cet agenouillement devant la bonté de  Celui qui nous donne la vie! Tout ce que nous avons, tout ce que nous sommes, est un don. Et c’est en rendant grâce à Celui qui nous a tout donné, sans rien retenir pour nous-mêmes, que nous trouverons enfin le chemin de la joie, le chemin de la paix. La seule route qui mène vraiment au bonheur.

 

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