Dimanche des Rameaux, Année B

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Mc 11, 1-10; Is 50, 4-7; Phil 2, 6-11; Mc 14, 1 à 15, 47.

 

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Il a suffi de quelques heures pour que la foule, qui acclamait en Jésus le messie et le roi d’Israël, fasse de lui un criminel dont la vie a moins de prix que celle de Barabbas. Pour expliquer ce retournement, Saint Marc parsème son récit d’un certain nombre de remarques. Il souligne la trahison de Judas pour quelques pièces d’argent, la lâcheté de Pierre et des disciples, la jalousie et la flagornerie des prêtres, la multiplication des faux témoins, l’enchaînement aveugle de la violence.

 

Tout cela peut certes expliquer le déroulement des faits, du point des vue des témoins qui assistent à la scène. Mais face à cet implacable mécanisme de la violence aveugle, il y a le choix pleinement conscient et libre de Jésus, qui avance les yeux grands ouverts, qui sait ce qui va arriver, qui ne se laisse pas prendre au jeu des apparences. Alors que les Apôtres se laissent d’abord griser par le triomphe de l’entrée à Jérusalem, pour s’enfuir ensuite dans la nuit, à la première difficulté, Jésus, lui, sait ce qui doit arriver, et il le dit.

 

Le drame de la Passion réside proprement dans le saisissant contraste entre l’extraordinaire lucidité de Jésus et l’incroyable aveuglement des autres, de tous les autres. Entre les deux, il y a toute la misère humaine, sa vanité, sa bêtise, sa duplicité, sa méchanceté, sa lâcheté. Jésus est à la fois très proche de nous: il pleure, il souffre, il a mal, il a peur, mais en même temps il le vit d’une façon très différente, qui pousse Pilate à chercher un moyen de le libérer, qui pousse le centurion à s’interroger sur celui qu’il vient de crucifier.

 

Le drame de la Passion c’est d’abord le nôtre, celui de notre humanité incapable de reconnaître la vérité, toujours prête à se laisser entraîner par la ruse et le mépris des puissants. Manipulés, humiliés, bafoués, nous nous réveillons toujours trop tard, une fois que le mal est fait! Une fois que nous avons fait le mal! Le drame de la Passion, dans lequel Jésus se laisse entraîner volontairement, sans résister, sans chercher à fuir, c’est d’abord le drame de notre incapacité à reconnaître l’emballement de la violence et de la haine qui sont en nous.

 

En acceptant d’affronter la mort de la croix, Jésus a mis en pleine lumière l’inhumanité de notre prétendue humanité. Il nous a révélé à quel point nous sommes aveugles, lorsque nous nous mettons à hurler avec les loups, lorsque nous sommes tentés de suivre les foules aveugles dans leur désir de lynchage. Les récents événements autour de Benoît XVI, dont les déclarations ont été savamment déformées, en sont une triste illustration.

 

Nous ne pouvons plus prétendre, désormais, que nous ne savions pas, que nous ne nous rendions pas compte. Les manipulateurs de tout poil qui tentent, aujourd’hui encore, de réduire au silence la Bonne Nouvelle du Salut, n’y peuvent plus rien. La Vérité est venue en ce monde, et elle nous a libérés de ces relents de haine et de jalousie qui nous habitent tous. Sommes-nous prêts à écouter sa voix? Sommes-nous prêts à accueillir le Salut? Sommes-nous prêts à suivre Jésus?

 

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