Annonciation du Seigneur, en Carême

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Is 7, 10-14. 8-10; Heb 10, 4-10; Lc 1, 26-38 .

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Depuis des temps immémoriaux, et de multiples manières, la Parole de Dieu a croisé les chemins et le destin de notre humanité. Depuis Abraham et Moïse, depuis les Rois jusqu’aux Prophètes, la Parole de Dieu est venue à la rencontre des hommes, des plus frustes comme des plus sages. Sans se lasser, sans se décourager, sans se laisser rebuter par nos passions et nos violences, Dieu est venu à la rencontre de l’homme, pour s’incarner enfin dans le sein de la Vierge Marie.

Le passage de l’Evangile selon Saint Luc, que nous venons d’entendre, est donc le sommet, le point culminant de cette rencontre si longtemps attendue, si longtemps désirée par Dieu, de notre humanité. C’est pourquoi l’Eglise nous propose de méditer ces quelques versets dans la perspective de cette attente séculaire, telle que l’avait résumée la prophétie d’Isaïe.

Face au refus du Roi Acaz, assiégé par ses ennemis et vaincu par la peur, qui n’ose plus regarder vers l’avenir en demandant un signe, Isaïe annonce que Dieu vient malgré tout. Et c’est cette espérance qui creusera, au long des siècles, le coeur du peuple d’Israël et finira par se réaliser dans la Vierge de Nazareth, la fiancée de Joseph, lui-même issu de la lignée de David.

Avec l’Annonciation et l’Incarnation du Verbe de Dieu en notre chair, nous pourrions penser que tout est accompli, que l’histoire a trouvé son achèvement, que nous n’aurions plus rien à attendre, sinon le retour du Christ, à la fin des temps. C’est sans doute ainsi que les premiers chrétiens comprirent les choses, puisqu’ils s’attendaient à voir, d’un moment à l’autre, le retour du Christ et le jugement dernier.

Mais c’est seulement peu à peu que les premières générations de disciples ont fini par comprendre que chacun d’entre eux, chacun d’entre nous, était invité à prendre sa place dans ce grand Corps du Christ qu’est l’Eglise. La signification de l’Annonciation s’est alors approfondie. En effet, si l’Annonce à Marie est la réalisation des prophéties, elle est aussi l’annonce faite à chacun d’entre nous que notre vocation est de devenir, à notre tour, porteurs de la Parole, témoins du Christ en ce monde.

Car la Parole de Dieu, aujourd’hui encore, vient en nous, descend parmi nous, prend chair en nous. L’humanité est en travail d’enfantement, comme le dit saint Paul. La Parole attend notre consentement, notre accueil, notre conversion, pour se déverser sur le monde et le transformer, le transfigurer.

Ce n’est pas un hasard si, en ce temps de Carême, l’Eglise nous invite à méditer ce « oui » de Marie, source et sommet de tous nos « oui ». C’est parce qu’elle s’est nourrie de la Parole de Dieu, comme le montre ce tissu de citations scripturaires qu’est son Magnificat, parce qu’elle la méditait jour et nuit, que la Parole de Dieu a fini par descendre en elle. D’une certaine façon, nous sommes tous invités, comme le disait un des premiers Pères de Cîteaux, Guerric d’Igny, à porter le Verbe en nous, à Le laisser prendre corps en nous.

Tout chrétien, quel que soit son état de vie, moine ou laïc, a reçu cette mission singulière, merveilleuse, unique, à la suite de Marie, de devenir porteur de la Parole de Dieu, au milieu des hommes de son temps. Mais cette vocation, nous ne pouvons la vivre seuls. Ce n’est qu’en la recevant de et dans l’Eglise que nous pourrons, à notre tour, la partager, la porter à tous ceux qui nous entourent.

 

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