Abbaye de Belval, Jubilé de Soeur Simone

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1 P 1, 3-9; Mc 12, 41-44.
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On imagine assez bien la scène, qui nous est relatée par Saint Marc.

Jésus est assis et regarde, silencieux, ceux qui viennent mettre de l’argent dans le tronc. Lorsqu’ils ont perçu le regard de Jésus posé sur eux, la plupart ont dû se sentir mal à l’aise. Peut-être même certains se sont-ils sentis obligés de donner plus qu’ils ne l’auraient voulu? D’autres, par contre, en ont profité pour étaler leur générosité au grand jour. Quelques uns, enfin, ont préféré faire demi tour, pour que leur pauvreté ne soit pas remarquée.

Si chacun avait réagi de manière différente, tous, cependant, avaient été troublés par le regard de Jésus, qu’ils percevaient sans doute comme le regard d’un juge, devant lequel il fallait faire bonne figure.

Or, avec la pauvre veuve qui s’avance et glisse ses deux piecettes dans le tronc, quelque chose a changé; l’échelle des valeurs de ce monde a tout à coup été renversée. Sans honte, sans fausse pudeur, mais sans ostentation non plus, cette pauvre femme, toute à sa prière, n’a sans doute même pas remarqué que Jésus l’observait. Elle s’avance, dans toute la simplicité de son coeur, insensible à ce que l’on pourrait penser ou dire d’elle. Son geste a la pureté et la simplicité d’un enfant qui sait que son pauvre cadeau fera infiniment plaisir à son père.

Ce que Jésus loue chez cette femme, ce qu’il a reconnu en elle, c’est cette liberté, cette candeur, cette fraîcheur qui permet aux plus humbles de toucher le coeur de Dieu. Le problème n’est pas la valeur ou la somptuosité du cadeau! Dieu ne regarde pas comme les hommes, car les hommes regardent l’apparence, mais Dieu regarde le coeur.

Frères et soeurs, dans ce passage de l’Evangile de Marc, c’est le coeur de Jésus, le coeur de Dieu qui se révèle à nous. Dieu n’attend pas de nous des prodiges et des sacrifices extraordinaires, hors de notre portée! Il attend simplement ce geste d’amour et de tendresse que nous sommes tous capables de faire, quels que soient nos capacités, nos richesses et nos dons. Comme le disait Cassien, Dieu n’a pas besoin de notre force, mais il a besoin de notre faiblesse et de notre patience.

Mais, en choisissant ce passage de l’Evangile de Marc pour votre jubilé, chère soeur Simone, vous nous avez aussi révélé, sans vous en rendre compte, le secret de votre propre coeur. Vous nous avez non seulement dévoilé comment vous vous voyez vous-même, comme une pauvre veuve sans le sou, mais vous nous avez surtout laissé deviner comment vous vous sentez regardée par Jésus. Cette relation unique et singulière que chacun d’entre nous vit avec Jésus, s’exprime en effet à travers les passages des Ecritures dans lesquels nous reconnaissons notre propre histoire.

Or, que se passe-t-il dans l’Evangile que nous venons d’entendre?

Jésus n’accomplit pas de miracles, il ne guérit personne, il ne donne pas de grands enseignements, il ne parle ni de son Père, ni du Royaume. Jésus ne fait rien, il ne dit rien, mais il s’émerveille du bien qu’il découvre dans cette humble femme. Jésus est ébloui par une pauvre veuve qui serait passée complètement inaperçue, si lui ne l’avait vue. Car, pour voir ce que voit Jésus, il faut avoir le regard aussi pur et le coeur aussi transparent qu’un matin de printemps.

Frères et soeurs, nous sommes là, ce matin, afin de rendre grâce pour ce regard que Jésus pose sur notre Soeur Simone, mais aussi sur chacun d’entre nous. Car nous avons tous, au plus profond de nous- mêmes, une pauvre veuve qui sommeille et qui attend de glisser ses deux piecettes dans le tronc. Mais voilà, bien souvent, nous préférons étaler nos fausses richesses et sauver les apparences!

Oserons-nous, à notre tour, redevenir comme ces petits enfants dont Jésus nous dit qu’ils sont les maîtres du Royaume?

 

 

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