Vigile Pascale, Année C

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Sept lectures, Rom 6, 3b-11; Lc 24, 1-12.
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C’est sous une forme paradoxale, et d’une façon plutôt déroutante, que Saint Luc a choisi d’annoncer la Résurrection de Jésus. Les agnostiques ou les athées n’ont pas trouvé mieux depuis. Au fond, quand on est attentif à ce que dit l’évangélsite, dans le passage que nous venons d’entendre, la Résurrection brille par deux absences: d’une part, l’absence du principal intéressé, à savoir Jésus qui n’est pas là où il devrait être, et d’autre part, l’absence totale de conviction de la part des disciples, les fameux témoins sur lesquels repose notre foi!

Et, argument plus cruel encore, que Saint Luc se plaît à souligner dans une petite phrase assassine, les propos des femmes, qui sont venues leur annoncer la nouvelle, sont qualifiés de « délirants »! Ce qui nous laisse imaginer le dialogue certainement un peu vif qui s’est déroulé entre ces quelques femmes bouleversées par leur découverte, et ces hommes déçus et amers, qu’étaient devenus les premiers compagnons de Jésus.

Saint Luc ne nous dit pas pour quelle raison ces derniers firent quand même l’effort de quitter leur refuge, et se risquèrent à aller vérifier sur place, au pas de course, pour finalement ne rien trouver. Peut-être simplement pour avoir la paix, ou parce qu’ils étaient touchés par la ferveur renouvelée de ces femmes, qui, elles au moins, avaient suivi Jésus jusqu’au bout! Tout commence donc par un tombeau vide, et des coeurs plus vides encore.

La première annonce de la Résurrection commence donc par un paradoxe: aucun des disciples n’y croit! Seules les femmes, venues au tombeau de bon matin, ont été retournées par ce qu’elles ont vu. Mais Lui, elles ne l’ont pas vu. Alors, qu’est-ce qui a bien pu les convaincre ainsi? Car les deux hommes qu’elles ont croisés, ne leur ont rien dit de nouveau, rien que Jésus ne leur ait déjà Lui-même annoncé.

Et c’est justement là, précisément là, que s’enracine la conviction nouvelle qui s’est mise à germer en elles. Si elles croient, c’est parce que les deux messagers ont réveillé leur mémoire. Jésus avait, à plusieurs reprises, dans le cercle restreint de ses proches, annoncé sa mort prochaine et sa Résurrection. Sa mort, les disciples avaient eu du mal à l’admettre, surtout après l’expérience de la Transfiguration. Pierre en avait fait les frais. Les évangélistes soulignent tous combien les Apôtres avaient du mal à comprendre. Ils imaginaient le Royaume de Dieu tout autrement.

Et c’est en rappelant aux femmes ce que Jésus ne cessait de leur répéter, dans l’intimité de leur petit groupe, que les deux messagers savaient pouvoir éveiller en elles cette mémoire du coeur qui garde tout, souvent sans comprendre. Par cette simple annonce: « rappelez- vous ce qu’il vous a dit quand il était encore en Galilée », c’est comme si se renouaient les fils brisés d’un mystère incompréhensible. Une nouvelle cohérence, jusqu’alors invisible, se présentait à elles. Tout ce qui était arrivé avait donc un sens. La Résurrection, ce mot mystérieux, que Jésus avait si souvent prononcé, commençait à s’éclairer.

Cette expérience des premiers disciples, remplis de doutes, et cette illumination vécue par les saintes femmes, qui découvrent le sens profond d’événements incompréhensibles, il nous sera donné de la faire, si nous cultivons, nous aussi, cette mémoire du coeur, ce compagnonnage avec la Parole de Dieu. Sa Résurrection, Jésus n’a pas voulu qu’elle s’impose, comme un événement incontestable, irréfutable. Il n’a pas voulu non plus qu’elle puisse se prouver, comme une évidence mathématique. Mais Il a voulu, au contraire, qu’elle soit proposée à notre foi, et qu’elle soit librement acceptée, dans la grâce de l’Esprit Saint. Car seule un foi libre peut faire de nous ces êtres vraiment libres que le Christ est venu libérer!

 

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