Vendredi Saint

Je Suis

Lorsque Jésus répond à ceux qui viennent l’arrêter : « C’est moi », la soldatesque recula et tomba à terre.  On peut traduire de manière plus littérale, que Jésus dit « je suis », en grec « ego eimi ».  Il s’agit du nom de Dieu, tel qu’Il s’est révélé à Moïse dans l’épisode du Buisson ardent (Ex 3,14).  Les soldats qui entendent le nom divin sont surpris.  Ils reculent, dans un geste de crainte révérencieuse et tombent la face contre terre, en geste d’adoration de Dieu. 

On peut reprendre plusieurs séquences de la Passion que nous venons d’entendre, et découvrir la même chose.  Saint Jean nous montre comment Jésus est maître de son destin.  Lorsque Pierre coupa l’oreille droite de Malcus, Jésus lui répondit fermement :
Remets ton épée au fourreau.
La coupe que m’a donnée le Père, vais-je refuser de la boire ?

puis tous les disciples s’enfuirent tandis que Jésus se laissait ligoter par les gardes Juifs.  Sans reprendre toutes les séquences du chemin de la Passion de Jésus, le voici devant Pilate.  Posons-nous la question de savoir qui juge et qui est jugé… 

Lorsque Pilate s’informe de la royauté de Jésus, il craint que ce « roi des Juifs » pourrait détrôner l’empereur César.  Jésus répond que l’empire terrestre n’a rien à craindre de Lui, puisque « mon royaume n’est pas de ce monde… mon royaume n’est point d’ici-bas ».  Cela rassure l’ambition de Pilate, mais il ne comprend pas ce que Jésus dit : « Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. » À quoi Pilate répond ironiquement : « Qu’est-ce que la vérité. »  Il ne veut pas prolonger cette discussion qui le dépasse, et déclare à la foule : « Je ne trouve aucun crime en lui. » 

Lors du deuxième interrogatoire de Pilate, Jésus prend encore plus de hauteur.  Lorsque Pilate lui assène :
Ne sais-tu pas que j’ai pouvoir de te relâcher, et pouvoir de te crucifier ?
Jésus lui répond :
Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi si tu ne l’avais reçu d’en haut ;
c’est pourquoi celui qui m’a livré à toi porte un péché plus grand.

Le Pilate que nous présente Saint Jean découvre la grandeur de Jésus, mais finalement il s’emprisonne dans son rôle de préfet.  Il consent à donner en pâture à la soldatesque et aux Juifs ce Jésus qui le dépasse en tout.  Il a tellement peur d’une révolte de ces gens avides de vengeance, qu’il faiblit et cède. 

Les dernières paroles de Jésus, dans la Passion selon Saint Jean, avant le « tout est accompli », est encore d’organiser l’avenir en son absence :
« Femme, voici ton fils. » – « Voici ta mère. »
Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui.

Paroles quelque peu énigmatiques, que nous avons du mal à comprendre aujourd’hui, mais qui devaient avoir du sens lorsque Jean les écrivit.  Mais cela montre, une dernière fois, que Jésus – Fils de Dieu, est maître de son destin, et qu’il règle tout de telle manière que ce qu’Il a semé durant sa vie publique perdure après sa mort.

Jésus, à la fois homme et Dieu, est Celui que nous célébrons en ces Jours Saints.  Saint Luc, dans la Passion que nous avons entendue le Dimanche des Rameaux, nous présente Jésus tellement homme.  Saint Jean, aujourd’hui, nous présente Jésus Fils de Dieu, Messie, le maître de l’Histoire et de son histoire. 

Le Mystère de Jésus-Christ reste entier, difficile à comprendre pour nous chrétiens.  La réalité se trouve quelque part entre ces deux récits.  À nous de nous les approprier et de vibrer avec la liturgie tellement dense de ces jours. 

Père Bernard-Marie

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