Aujourd’hui, on a une belle convergence entre l’Evangile et la deuxième lecture tirée de S. Paul. Disons : Jésus le Christ veut la liberté. Ceci est comme le titre du chapitre 5 de la lettre aux Galates : « Si le Christ nous a libérés, c’est pour que nous soyons vraiment libres». Pour que nous soyons libres, et non pour redevenir esclaves, ajoute S. Paul. Et dans l’Evangile, Jésus se montre libre et ne veut être suivi que par des êtres libres.
S. Paul est formel : « frères, c’est à la liberté que vous avez été appelés ». Le Christ veut cette liberté et la réalise en nous par son Esprit. Il s’agit de « marcher par l’Esprit Saint », comme il dit, « de vivre sous la conduite de l’Esprit ». Cet Esprit de Dieu est celui qui se joint à notre esprit pour que nous appelions Dieu notre Père et que nous le reconnaissions vraiment « père » dans notre vie. Aussi cet Esprit ne peut pas conduire à la destruction mutuelle, à « nous dévorer les uns les autres », comme dit Paul. Cette destruction mutuelle peut prendre des formes multiples que Paul énumérera dans la suite de sa Lettre. Mais il énoncera aussi les formes multiples du comportement libre. Le premier mot et la clé en est l’amour, avec ses deux connotations : la joie et la paix, puis toute une série d’attitudes de cœur : la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur, la maîtrise de soi.
Dans notre texte, Paul nous en donne un double résumé. D’abord en reprenant une parole évangélique : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même». Et deuxièmement, en opposant à l’égoïsme le juste comportement que fait vivre l’Esprit du Christ : «mettez-vous, par amour, au service les uns des autres ». Le terme « servir » est celui que Paul utilise pour décrire, dans la lettre aux Philippiens, l’abaissement du Christ: le Christ, lui qui était de condition divine, a pris l’être et la condition de serviteur.
Lui, comme nous, nous vivons ce « service » …« par amour », comme dit S. Paul. Dans le passage d’aujourd’hui, bien des versions du Nouveau Testament qui nous sont parvenues ont une parole de plus. Il y est écrit : « par amour de l’Esprit » ; càd : par l’amour qu’est l’Esprit Saint ; et aussi: par l’amour qui nous vient de l’Esprit Saint.
C’est, en tout cas, par l’Esprit Saint qu’il nous est donné de sortir de l’esclavage et d’aimer selon Dieu, d’aimer de l’amour dont Dieu nous aime.
Dans l’Evangile, Jésus refuse d’être suivi par des esclaves. S’il avait accepté que Jacques et Jean détruisent les villages qui refusaient le passage de Jésus, nous n’aurions guère le choix devant Jésus. Ce serait ou aller avec lui ou être détruit. Non, Jésus veut être suivi librement.
Il réclame même une liberté assez exceptionnelle. Il insiste sur les difficultés de son chemin: qui le suivra n’aura pas où reposer la tête ; et absolument rien ne devra passer avant l’annonce du règne de Dieu.
Jésus aiguise la liberté de celui à qui il parle. Il l’invite à un véritable engagement personnel.
Ce chemin-là, il le vit d’ailleurs lui-même. Solennellement, S. Luc souligne comment Jésus s’engage avec courage, avec fermeté, sur la route de Jérusalem. Jésus fait face à ce qui l’attend là-bas, et dont il pressent déjà l’issue.
Il se met pourtant en route et envoie aussi des messagers devant lui. Il ne recule pas devant sa mission de semer le Royaume de Dieu, de faire connaître le vrai visage de Dieu notre Seigneur. Au contraire, il accomplit cette mission, en pleine liberté, et jusqu’au bout. C’est de sa liberté que nous sommes libres.
Père Abbé