Le Royaume des Cieux…
Lorsque Jésus parle à ses disciples du Royaume des Cieux, de quoi s’agit-il, et qu’est-ce que les disciples comprennent ? Nous pourrions également nous poser la question de savoir ce que les foules comprennent, mais Jésus donne lui-même la réponse dans l’application de la parole du Prophète : je leur parlerai en paraboles, sous-entendu, afin qu’ils ne comprennent pas…
Rappelons-nous d’abord l’histoire plus ancienne : le Peuple avait jadis exigé un roi, ce qui déplut d’abord au prophète Samuel puis au Seigneur Lui-même. Mais Dieu accorda finalement un roi au peuple (1S 8,5…22). Lorsque le roi David décida de construire le Temple, la proposition plut au Seigneur et, en retour, Dieu promit à David qu’un descendant siégerait à jamais sur son trône (2S 7,12-13).
À l’époque de la naissance de Jésus, le Peuple était dans l’attente d’un « Messie » (Lc 3,15). Cette « attente » n’était pas claire, et beaucoup espéraient que le « Messie » tant attendu allait libérer le Peuple de la servitude au pouvoir Romain.
La mission de Jésus ne se situe pas du tout dans une telle visée « politique », même si le fait de décrire le « Royaume des Cieux » comme un Royaume, pouvait porter à confusion. Même les disciples ne comprennent pas : rappelons-nous la demande des deux fils de Zébédée de siéger à droite et à gauche de Jésus lorsqu’il instaurera son Royaume (Mt 20,20-28).
Par les diverses paraboles que l’évangéliste rassemble ici, Jésus veut expliquer aux disciples que le Règne de Dieu, le Royaume des Cieux qu’Il est venu inaugurer est mystérieux. Il commence petitement, de la taille d’une petite graine, mais deviendra grand, il deviendra le plus grand arbre du Jardin. L’image parle par elle-même. La discrétion, l’humilité des débuts, avec le résultat espéré…
Lorsque Jésus commença à semer la Bonne Nouvelle du Royaume, il était absolument seul. Ses disciples furent pour lui de peu de secours. Lors de son arrestation dans le Jardin de Gethsémani, ses disciples l’abandonnent et s’enfuient. Mais la Résurrection donna à l’entreprise un souffle nouveau, qui dure jusqu’à aujourd’hui…
L’Église, au long de son histoire bi-millénaire, a parfois estimé qu’elle était, enfin, devenue ce grand arbre dans lequel tous les peuples pouvaient construire leur nid. À certaines époques, l’Église était au faîte de la gloire. Cela nous a donné le siècle des cathédrales, les chefs-d’œuvre de l’art religieux de tant de périodes différentes… Mais à d’autres époques l’Église est persécutée, humiliée, et elle redécouvre que le Royaume de Dieu n’est pas de ce monde… La grandeur terrestre est toujours éphémère, et la gloire humaine ne dure qu’un temps.
Jésus n’est pas venu nous enseigner comment atteindre une quelconque gloire… Ayant lui-même renoncé à la gloire de Fils de Dieu, c’est l’humilité qu’il nous enseigne.
L’important, dans l’enseignement que nous avons entendu ce matin, c’est la petitesse. Ensuite, le Royaume de Dieu fait des merveilles, mais pas selon les critères humains. Le Royaume de Dieu progresse, aujourd’hui comme hier, dans la petitesse, dans l’ombre, dans le silence. Mais ce qui compte, c’est comment Dieu œuvre à travers nous, à travers notre médiocrité, pour que la graine devienne plante, la plante devienne arbre.
Le Royaume des Cieux dont il est ici question, ce n’est pas tel royaume terrestre, comme certaines têtes couronnées et leurs sujets l’ont imaginé. En réalité, le levain que la femme a « caché » dans la pâte, c’est la puissance divine qui agit dans le monde. Mais nous ne la voyons pas à l’œuvre. Nous n’avons pas à en voir les fruits, mais nous devons prier Dieu pour que la pâte lève…
L’Église, aujourd’hui, est redevenue cette petite graine enfouie dans le sol, cette petite quantité de levain cachée dans trois mesure de farine. Nous ne savons pas quand aura lieu la moisson, nous ne savons pas quand la pâte aura suffisamment levé. Puisqu’il s’agit du Royaume de Dieu, Dieu seul sait.
Nous n’avons pas à juger, nous n’avons pas à couper à la racine telle plant et garder tel autre, mais nous devons prier Dieu pour que la Royaume porte du fruit. C’est ce que nous avons demandé à Dieu dans la prière d’ouverture de la célébration :
Sois favorable à tes fidèles, Seigneur, et multiplie les dons de ta grâce.
Entretiens en eux la foi, l’espérance et la charité…
C’est également ce que Saint Paul nous suggérait dans la deuxième lecture :
nous ne savons pas prier comme il faut,
(mais) l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse,
(et) c’est selon Dieu que l’Esprit intercède pour les fidèles.
Que Dieu notre Père et Jésus, le Seigneur, nous envoient l’Esprit Saint afin que nous progressions en sainteté devant Dieu et devant les hommes, afin que le Règne de Dieu advienne en nous pour le monde entier.
Frère Bernard-Marie