Homélie pour les funérailles de Frère Henri Hick

(Is, 25,6-9 / Jn 11, 27-41.)
« Seigneur si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ! »

 C’est souvent le reproche qui s’impose à notre esprit devant la mort ou l’épreuve de santé qui vient gravement limiter notre existence. Nous cherchons, sinon une cause, un coupable, du moins l’ami qui nous veut du bien et qui a fait défaut le moment voulu.
Ce reproche ne serait pas monté au cœur de notre Fr Henri, car il savait Jésus avec lui. Par la foi, il connaissait que Jésus habitait sa maladie et son combat, qu’il était en lui Résurrection et Vie. Dès les premières atteintes de ce mal évolutif avec lequel il s’est battu avec ténacité et optimisme.
Certes, nous savions – et Fr Henri le sentait mieux que nous – que la maladie gagnerait du terrain. La mort elle-même de toute façon finirait, du moins en apparence, par l’emporter ! Mais oui, ce ne serait qu’en apparence, car c’est la porte de la vie qui s’ouvre et libère le passage.
En effet, Dieu n’a pas fait pas la mort. Il n’a rien à voir avec celle-ci, car il est Vie en abondance. Jésus s’approche pour apporter la vie qui vient du Père et nous délivre de la mort qu’il fait disparaitre de notre condition mortelle. La mort est engloutie par la Vie ! Pour Jésus, ce que nous appelons mort n’est qu’un sommeil ; le passage qui débouche dans la vie incorruptible et la vision de Dieu.
Dieu ne peut laisser son ami, son enfant voir la corruption. Il pleure sur la mort de Lazare, de l’homme égaré comme sur la mort d’un premier-né. Il le sauve car il l’aime et lui communique cet Esprit de Vie.
D’où lui venait, d’où nous vient cette conviction, absurde aux yeux du monde, sinon de la présence de Jésus. Jésus était là et nous ne le voyions pas.
Fr Henri avait choisi la meilleure part, celle que personne, ni rien au monde ne peut enlever : demeurer au côté de Jésus pour écouter, se nourrir de sa Parole.
« J’ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche :
Habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie,
Pour admirer le Seigneur dans sa beauté et m’attacher à son temple »
Fr Henri a aimé demeurer dans la rumination de l’Ecriture et aucun autre livre ne l’attirait vraiment sinon ce qui le rapprochait et lui permettait de se promener dans les jardins fleuris du Livre qui contient la Parole de Dieu.
Un autre lieu de rendez-vous était la Liturgie des Heures qui scande la journée d’un moine : chanter et bénir Dieu au nom de tous les hommes. Il avait souci que cette louange soit belle et digne. Retenu dans sa chambre, loin de s’isoler, il s’associait fidèlement au chant commun des frères par les moyens techniques. Ses visites régulières à l’oratoire l’inséraient dans le Corps eucharistique de l’Eglise et de Jésus entré dans la Gloire du Père. Qu’importe si le sommeil vient, car vraiment Henri pouvait dire : « je dors mais mon cœur veille ! »
Ayant dû peu à peu renoncer à parcourir le cloitre en défiant la maladie, devenu un trop long trajet, il mit à jour avec patience et ténacité le fichier de la bibliothèque. Nous l’avons connu aussi fabricant le fromage, écrémeur au temps encore artisanaux et manuels de la fromagerie, puis d’autres emplois et services pouvant parfois susciter des poussées d’impatience et de colère vite retombées, qu’il regrettait aussi vite en demandant pardon. Cela aussi fait le moine !
Jeune moine de Scourmont, il passa plusieurs années en République du Congo, dans la communauté de Mokoto, sachant se dévouer dans les situations précaires de jeunes fondations, donnant avec délicatesse et attention son soutien aux frères de cette communauté qui en ont gardé le souvenir.
L’attrait pour une vie plus retirée dans la lectio divina le conduisit au Mont des Cats où il s’est stabilisé discrètement et avec dévouement pour la joie fraternelle de tous. Fr Henri fut plutôt un « taiseux » comme on dit, ce qui ne signifie pas un « sauvage » ; proche et aimant les frères, en vrai cistercien.
Le cœur ouvert, dans la solitude de sa cellule, à la vie des autres et du monde par les liens entretenus avec les siens, de la proche Belgique jusqu’à la lointaine Argentine et le vaste Canada. Confinée dans sa chambre la prière du cœur, du proche au plus lointain, contribue à élever sa part de l’univers.
Dans ce corps blessé qui le retenait captif, la vie et la Résurrection de Jésus avait déjà fait œuvre en lui. « Notre ami s’est endormi, je vais aller le tirer de ce sommeil ! » Jésus ouvre la porte vers l’autre rive et l’appelle : « viens dehors ! » Jésus défait les derniers liens de ce corps périssable pour le laisser aller et bondir de joie sur la terre des vivants, devant la face de son Seigneur et de son Dieu.

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