Entrée au Noviciat de Frère Pascal, Première profession de Frère Benoît

Veille de la Fête de la Présentation

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RB 7, 5-9.

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Cher frère Pascal, cher frère Benoît,

Vous avez choisi un passage du chapitre sept de la Règle, en ce jour qui marque, pour chacun d’entre vous, une étape importante dans votre cheminement monastique, votre cheminement d’homme.

Toi, frère Pascal, il t’a fallu reprendre, en recommençant ton postulat puis ton noviciat, ce parcours monastique autrefois interrompu.

Et toi, frère Benoît, tu as choisi de quitter ton pays et tous ceux que tu aimes, pour venir poursuivre au Mont des Cats, ta recherche spirituelle.

Tous deux, d’une certaine façon, vous êtes confrontés, bien que d’une manière différente, à ce mystère de l’humilité que Saint Benoît développe dans ce chapitre sept de sa Règle.

Pour illustrer ce que signifie pour lui ce mystère de l’humilité, saint Benoît choisit un épisode assez singulier, tiré des aventures de Jacob, dans le livre de la Genèse. Le fils d’Isaac doit s’éloigner de chez lui, à cause de la jalousie de son frère Esaü, car ce dernier ne lui pardonne pas de l’avoir supplanté et d’avoir reçu la bénédiction qu’il estimait lui être réservée. Jacob doit donc quitter son pays, sa famille, tous ceux qu’il aime, pour aller chez son oncle Laban. Et c’est alors qu’il est en chemin, durant la nuit, dans un songe, que lui apparaît une échelle au long de laquelle montent et descendent les Anges de Dieu.

Dans le récit de cette expérience spirituelle étonnante, la Tradition de l’Eglise  a surtout vu une image, une annonce lointaine, de l’Incarnation du Fils de Dieu, descendu dans la chair pour nous faire remonter avec Lui vers le Père. Quant à saint Benoît, il y reconnaît, pour sa part, une parabole de ce qu’est l’humilité, dans la vie du moine appelé à faire l’expérience « qu’on descend par l’élèvement et qu’on monte par l’humilité ».

Cependant, ces deux interprétations, loin de se contredire et de s’exclure, se complètent au contraire merveilleusement. En effet, qui, mieux que Jésus Lui-même, a vécu jusqu’au bout cette double réalité de l’abaissement et de l’exaltation? Qui, mieux que Jésus, peut nous enseigner cette voie, qui est la seule qui conduise au Père?

De cette très belle image, je voudrais retenir deux aspects, qui me semblent importants pour le chemin sur lequel vous vous engagez l’un et l’autre ce soir.

La première leçon, que l’on pourrait en tirer, c’est d’abord que la vie spirituelle est toujours dynamique, en elle-même. On y monte ou on y descend. Il serait illusoire, comme le dira d’ailleurs saint Bernard, d’imaginer pouvoir demeurer immobile, à la même place. Rien n’est jamais acquis, et celui qui ne progresse pas recule immanquablement.

Et la seconde découverte, que nous propose saint Benoît, c’est que la vie spirituelle ne répond pas à la logique habituelle du monde. La croissance intérieure ne réside pas dans l’assurance qu’on acquiert, ou dans le sentiment de se sentir plus fort, mais plutôt dans l’expérience déconcertante, et parfois même douloureuse, de ce qui nous manque. Plus Dieu  se fait proche, et plus nous sentons à quel point nous sommes loin de Lui.

C’est sous le signe de cette double réalité, celle d’un dynamisme sans cesse renouvelé, et celle d’une expérience de plénitude et de pauvreté, que vous avez choisi, l’un et l’autre, de vous attacher à Jésus, pour le suivre sur les chemins de la vie monastique. Vous pouvez compter sur la prière fraternelle et l’aide affectueuse de chaque membre de cette communauté du Mont des Cats, qui vous accueille ce soir, avec joie, comme novice et comme profès.

 

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