Is 50, 4-7; Phil 2, 6-11; Mt 26, 14 à 27, 66.
C’est sans doute dans la première lecture qu’il nous faut chercher la clé du message que nous adresse le Seigneur, au début de cette Semaine Sainte. En effet, le prophète Isaïe nous ouvre des perspectives étonnantes quand il affirme, dans le chant du serviteur:
« Dieu m’a donné le langage d’un homme qui se laisse instruire, pour que je sache à mon tour réconforter celui qui n’en peut plus ».
Lequel d’entre nous, à un moment de sa vie, n’a en effet vécu l’expérience terrible de se retrouver au bord du gouffre, prêt à glisser dans l’abîme. Et, dans ces moments douloureux où la tristesse, la souffrance, la trahison et la mort semblent vouloir submerger tout notre être, il a fallu la poigne d’un ami, la tendresse d’un frère, la solidité d’un père, pour pouvoir simplement survivre, avant de retrouver le goût de vivre. Quelle grâce de trouver à nos côtés, en ces moments là, quelqu’un qui « sache réconforter celui qui n’en peut plus », quelqu’un qui puisse accompagner notre descente et nous retenir, parce qu’il était déjà passé par là.
C’est à cette expérience humaine si universelle, si profonde, que le prophète fait allusion quand il nous décrit la figure du serviteur, ce serviteur souffrant qui annonce déjà la route que Jésus va suivre, du jardin des oliviers à la montagne du Golgotha. Mais, comme l’annonce la première phrase de l’oracle, cette expérience de mort, ce passage par l’abîme et par la croix n’est pas une impasse, une fin, un échec. Si Jésus passe par la Passion et par la mort, c’est pour nous entraîner à sa suite, dans son sillage, vers la vie.
« Je suis la Résurrection et la vie », dira-t-il en effet à la soeur de Lazare qui pleure la mort de son frère. « Je suis la voie, la vérité et la vie » affirmera-t-il à ses disciples qui hésitent encore à le suivre. Si Jésus descend dans l’abîme de la souffrance humaine, s’il se laisse engloutir par l’angoisse jusqu’à verser des larmes de sang, s’il souffre de l’abandon et de la solitude, c’est pour nous ouvrir un passage vers la joie, vers cette joie que Dieu seul peut donner, et qui ne peut venir des artifices humains.
A cette joie véritable, qui nous vient d’en haut et ne passe pas, le dimanche des Rameaux oppose cette autre joie, toute d’artifices et d’apparences, que déploie cette foule bigarrée lors de l’entrée de Jésus dans Jérusalem. Jésus n’en est guère ému ni troublé. Il sait que ces enthousiasmes là sont de courte durée. Il sait que ceux qui l’acclament aujourd’hui seront les mêmes qui réclameront demain sa mort. Sic transit gloria mundi! Ainsi passe la gloire de ce monde. Sa gloire à lui, c’est celle qu’il reçoit de son Père! Une gloire qui ne passera jamais.