Bénédiction Abbatiale, allocution de Père Abbé

Cette bénédiction reçue par l’un des membres de la communauté est une bénédiction plus particulière au sein d’une bénédiction plus vaste. Le cœur de Dieu ne se réduit pas aux limites de nos rites. En bénissant l’un des membres de la communauté, c’est toute la communauté qu’il bénit aussi ; c’est à elle tout entière qu’il veut accorder la vie, sa vie. Et plus largement encore, cette célébration lui est aussi une occasion de bénir l’Eglise. C’est ce que chantait le Psaume responsorial : « Le Seigneur bénit son peuple et lui donne la paix ».
Que cette bénédiction du Seigneur nous atteigne tous en ce temps de voeux et de souhaits. Que la vieille bénédiction transmise à Moïse et reprise par l’Eglise au 1er janvier nous rejoigne aujourd’hui tous et chacun dans toute la diversité de nos situations et de nos chemins, dans tout ce que nous portons et dans tout ce qui nous soulève : « Que le Seigneur nous bénisse et nous garde ! Qu’il fasse briller sur nous son visage et qu’il nous apporte la paix ! »
Cette bénédiction nous travaille déjà de l’intérieur, depuis la venue de Jésus. C’est l’Esprit Saint qui la sème en nous. Il sculpte peu à peu notre vrai visage et cela en nous conduisant à l’union avec tous et chacun. C’est par l’Esprit que nous espérons un jour rejoindre notre Père dans une communion toujours plus grande avec nos frères. C’est ce grand mouvement que décrit S. Paul dans sa lettre aux Ephésiens : « par le Christ, dans l’unique Esprit, vers le Père » . Comme la traditionnelle devise doit être brève, je n’ai retenu que l’élément central : « In uno Spiritu », ‘dans l’unique Esprit’. Cet Esprit Saint qui a si radicalement transformé, transfiguré, S. Paul lui-même et qui a suscité toutes les Eglises : « La charité, l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné ». puisse-t-il nous envahir, nous attirer vers la vie, nous conduire tous ensemble à la vie éternelle, comme le dit S. Benoît à la fin de sa Règle pour les moines.
Cette devise figure sur la crosse remise au P. Abbé. C’est parce que le P. Abbé ferait bien de s’en souvenir quand il maniera ce bâton de berger ! L’Esprit Saint est Esprit d’unité et de paix, et c’est lui, l’Esprit Saint, le premier et éminemment efficace artisan de cette paix. Sans lui, nous ne pouvons rien faire.
Comme cette crosse a été faite par l’un des employés de la maison, ce m’est un devoir et une joie de le remercier maintenant pour ce beau travail qu’il a été heureux de réaliser. Je me permets d’étendre ce merci à tous ceux qui travaillent au quotidien avec nous dans ce monastère, ainsi qu’à ceux qui nous aident de leur expérience et de leurs conseils, et plus particulièrement au sein du Conseil d’Administration de l’Association Saint-Bernard. Glissons ici l’expression de notre reconnaissance envers les élus locaux, auprès de qui nous avons toujours trouvé soutien.
Les trois mots de la devise ne sont pas encore… mais ils seront bientôt… inscrits sur l’anneau reçu tout à l’heure. Cet anneau est signe d’alliance. Il dit le lien entre le P. Abbé et la communauté, entre le P. Abbé et chacun des frères de la communauté. Cette alliance, c’est de la communauté qu’il la reçoit. Et je la reçois non seulement, concrètement aujourd’hui, mais comme le signe de tout de ce que j’ai reçu de mes frères depuis tant d’années maintenant. Difficile de retracer tout cela. Il faudrait surtout évoquer les personnes, toutes celles qui m’ont guidé, m’ont fait confiance.
Mais notre communauté elle-même a beaucoup reçu d’autres communautés de l’Ordre (et merci à toutes celles ici représentées, celles de l’Ordre et aussi celles qui n’en sont pas). Elle a reçu en particulier à travers leurs pères abbés : D. Victor, père abbé de Tamié notre maison-mère, et avec lui tous ces derniers temps D. Guerric abbé de La Trappe dans l’Orne, et D. Patrick père abbé de Sept-Fons. Et bien d’autres sœurs ou frères nous ont donné un coup de main d’une manière ou d’une autre, comme par exemple les voisins de Saint-Sixte, la maison-fille de Tilburg en Hollande, l’abbaye d’Acey, celle de Chimay et même celle du Calvaire dans le lointain Canada.
Et personnellement, je devrais mentionner le diocèse de Lille qui, par l’intermédiaire des séminaires, m’a formé et que je suis heureux de redécouvrir autrement aujourd’hui par le biais du Conseil presbytéral. Merci à Mgr Ulrich qui a tenu à présider cette célébration, merci pour son attention à la vie de notre communauté.
Plus en arrière, si l’on peut dire, je veux évoquer deux absents : mes parents partis il y aura un an. Ils sont présents avec nous aujourd’hui et s’unissent à notre prière. Peut-être ajoutent-ils un mot, un petit conseil, mais en général ils ne s’exprimaient pas beaucoup, et encore moins vers la fin. Ce qu’ils ont vécu est d’ailleurs suffisamment riche à mes yeux pour éclairer la route. Et c’est maintenant une façon de leur dire ma reconnaissance que de remercier mes frères et sœurs et plus largement tous les membres de la famille pour leur présence aujourd’hui ou leur union de cœur aux côtés de la communauté.
Mais notre assemblée est bien plus large encore, et je ne peux vous nommer tous : c’est vraiment de tout cœur que nous vous disons merci, à vous tous, hôtes, voisins, amis… Puissions-nous ensemble être fidèles à notre vocation, « dans l’unique Esprit », vers le Père.
Le chemin n’est simple pour personne. Que le Seigneur soit béni pour les êtres de lumière qui nourrissent notre espérance et nous entraînent au pays de la vie. A l’heure de plus grande obscurité, de plus grande pauvreté, ils sont, dans le fond des cœurs, source de lumière et de paix pour leurs frères. C’est d’ailleurs dans notre pauvreté personnelle déposée devant lui que le Seigneur de toute bonté sera le plus proche, qu’il ne manquera pas de tendre la main, selon ce qu’Il est : un Dieu de miséricorde. Qu’Il veuille bien nous accueillir tous aujourd’hui en sa bénédiction.
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