Toussaint Monastique, Jubilé de profession de F. Nivard et F.Marc

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Act 4, 32-35; Mc 10, 28-30.

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A part votre passion commune pour les livres et les bons mots, héritée sans doute d’un ancien, lors de vos premières années de formation monastique, rien ne semblait vous prédisposer, chers F. Nivard et F. Marc, à célébrer ensemble, aujourd’hui, votre jubilé de profession. Tout, en effet, vous sépare, que ce soit dans votre tempérament, dans votre cheminement et même physiquement, et cela presque jusqu’à la caricature. Si des théologiens se mettaient en quête de preuves de l’humour de Dieu, comme ils l’ont fait pour son existence,  ils disposeraient là d’un vivier inépuisable.

 

 

 

 

 

 

En effet, quand l’un grimpe quatre à quatre les escaliers, l’autre peine désormais à se déplacer en fauteuil roulant. Alors que l’un continue à assumer de nombreuses responsabilités au service de la communauté et des hôtes, l’autre vit désormais reclus à l’infirmerie et doit apprendre à se laisser servir. Alors que l’égalité d’humeur du premier est aussi légendaire que la platitude de la Flandre, le tempérament du second ressemble davantage au pentes abruptes et parfois chaotiques des monts de Flandre. Et, tandis que l’un a toujours été avide de silence et de solitude, l’autre se plaisait à cultiver avec exubérance des relations sans nombre. Nous pourrions continuer ainsi longtemps encore à énumérer ce qui aurait pu séparer vos chemins. Dieu, pourtant, en a décidé autrement.

 

 

 

Car c’est un même appel, une même passion, un même désir qui ont réuni, au sommet de cette colline, dans un même monastère, ceux que la nature et la raison humaine auraient, à juste titre, séparés. L’Evangile et la première lecture résument à merveille ce choix singulier qui a orienté des voies aussi dissemblables que les vôtres vers un même but. Tous deux, de façon très différente, mais tout aussi réelle et profonde, vous avez laissé derrière vous des frères et des soeurs, des maisons et des terres pour suivre Jésus là où il vous attirait.

 

 

 

Cette quête a certes pris, pour l’un comme pour l’autre, un visage différent. Il semblerait presque que Dieu s’est ingénié à vous demander, à l’un comme à l’autre, de lui offrir ce qui vous tenait le plus à coeur. En vous regardant l’un et l’autre ce matin, je me disais que F Nivard serait fort heureux de pouvoir profiter de la solitude et du silence de l’infirmerie, et que F Marc aurait sans doute bondi de joie à l’idée de s’occuper de l’hôtellerie et de brasser des milliers de livres à la bibliothèque. La vie en a décidé autrement. L’un comme l’autre vous avez dû consentir au don que Dieu vous faisait. L’un comme l’autre, vous avez dû renoncer à ce qui vous tenait le plus à coeur pour écouter la voix de l’époux, là où elle résonnait.

 

 

 

Jésus ne dit pas, dans l’Evangile, que ces renoncements se feraient sans douleur et sans contradictions. Il prend soin, en effet, de préciser que le disciple fidèle recevra au centuple ce qu’il aura laissé, mais avec des persécutions! Le Paradis n’est pas pour tout de suite, même dans le cloître. La Providence veille à renouveler notre désir, mais sans jamais le combler. En nous comblant, elle creuse encore davantage la perception de ce qui nous manque, de notre faiblesse et de la grandeur de Celui qui nous appelle.

 

 

 

Au fond, chers F. Nivard et F. Marc, en célébrant aujourd’hui ensemble votre jubilé, vous nous offrez une extraordinaire parabole de cet amour de Dieu qui nous prend si souvent à contrepied, parce qu’il nous aime plus que nous-mêmes et parce qu’il veut qu’aucun de ces petits ne se perde! Ces cinquante années passées côte à côte n’ont pas été faciles, loin de là. Mais elles vous ont ouvert, peu à peu, les chemins de votre coeur, où Dieu vous attend, depuis toujours.

 

 

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