Solennité des Fondateurs de Cîteaux, Saints Robert, Albéric et Etienne.

En 1098, un petit groupe de moines, conduits par Ropert, Albéric et Étienne, fondaient l’abbaye de Cîteaux.  Malgré une histoire mouvementée, la tradition cistercienne continue d’animer la vie de moines et de moniales à travers le monde.

En 1826, un petit groupe de moines venait s’installer ici au sommet du Mont des Cats.  Malgré des débuts difficiles, la tradition cistercienne continue d’être vécue par notre communauté.  Et nous avons fondé des communautés à travers le monde. 

En ce jour de fête, rendons grâce au Seigneur pour les dons qu’Il fait à son Église, et bénissons-Le.   

(Homélie)

La vie monastique, depuis ses tout débuts dans les déserts d’Égypte, connut des périodes fastes et des périodes néfastes.  Des périodes de gloire et des périodes de décadence.  Lorsque Bernon fonda l’abbaye de Cluny, en 909, il ne se doutait pas que celle-ci aurait un rayonnement dans toute la chrétienté de l’époque.  Cette abbaye fut, durant sa période de gloire, le chef d’un ensemble de près de 2000 prieurés répartis dans toute l’Europe.  Deux des grands abbés furent même parrain du fils de l’empereur germanique.  La relation trop forte entre le pouvoir politique et la vie monastique poussa certains à chercher une autre manière de vivre la Règle de Saint Benoît.  Ainsi naquirent de nouvelles congrégations monastiques aux onzième et douzième siècles.  Parmi elles, les Saints que nous célébrons aujourd’hui : Robert, Albéric et Étienne, quittèrent l’abbaye de Molesmes non loin d’Auxerre, pour fonder Cîteaux près de Dijon.  Eux non plus ne se doutaient pas que le « nouveau monastère », comme il fut appelé à ses débuts, deviendrait le chef d’une congrégation, elle aussi riche de plusieurs centaines d’abbayes.  Alors que Cluny ne survécut pas à la Révolution, les Cisterciens sont désormais présents sur tous les continents…

Chaque mouvement que l’on peut appeler une « réforme » de la vie monastique, se réfère de manière explicite à la Règle de Saint Benoît.  La fondation de Cîteaux ne dérogeait pas à l’usage…  Le but de nos fondateurs était de vivre une vie retirée, loin des obligations liées au pouvoir politique ou de bon voisinage, et travaillant pour subvenir aux besoins de la communauté.  Le site d’implantation, Cîteaux, n’était pas particulièrement fertile, ce qui obligea les moines à défricher le terrain et à l’assainir.  Cela ne découragea pas les moines.  Les terres autour de l’abbaye devinrent aux siècles suivants des vignobles produisant les plus grands crus de Bourgogne… 

Dans d’autres régions, d’autres spécialités furent mises au point par les moines cisterciens, dans différentes spécialités agricoles, alimentaires, technologiques. 

La réussite économique et le niveau de vie de la communauté monastique a été à l’origine chez les Cisterciens, de réformes qui aboutirent à la « querelle des observances » entre communautés, voire entre moines d’une même communauté.  À d’autres périodes, la richesse excessive des abbayes attisa la convoitise, soit des princes, soit des pauvres d’alentour réduits à la misère.   Parfois les pauvres excédés du scandale des richesses des abbayes allèrent jusqu’à piller et incendier des domaines.  Et pas seulement durant la Révolution…

La vie monastique, comme la vie spirituelle, est marquée par l’alternance consolation-désolation.  La richesse et la pauvreté, l’illumination et la nuit obscure.  La tentation existe, lorsqu’une communauté est prospère, en personnes ou en revenus, d’oublier l’essentiel de notre vie : l’humilité, l’effacement, le service de Dieu.  On a vite fait de se reposer sur ses lauriers et de prendre du large vis-à-vis de la Règle de Saint Benoît ou de la tradition de nos fondateurs.  Nous devons sans cesse nous rappeler, comme l’écrivait Saint Bernard : pourquoi suis-je venu ?  Qui m’a appelé ? 

C’est la question fondamentale qui est à l’origine de toutes les réformes monastiques au long des âges.  La vie telle qu’elle est proposée en tel lieu, est-elle toujours conforme à l’équilibre demandé par Saint Benoît et par les fondateurs ?  Si non, peut-être faut-il envisager des changements.  Soit changement dans le style de vie, soit plus radicalement changement de lieu de vie, soit les deux. 

Dieu premier servi – une vie fraternelle en communauté – un travail compatible avec la prière et la vie commune… tout un programme. 

Ce questionnement de fond, appliqué en cette fête de nos Saints Fondateurs, chacun peut se la poser.  Si la pauvreté, l’humilité et l’obéissance font partie des vœux monastiques ou de la « conversion de vie » des moines, elles sont des vertus que les chrétiens dans le monde sont également invités à pratiquer, à leur mesure. 

Au début d’une nouvelle année, c’est généralement l’occasion de faire le bilan du passé et d’envisager l’avenir.  Dans n’importe quel état de vie, chacun peut se poser la question : suis-je fidèle à mon engagement initial ?  Est-ce que nous avançons dans la bonne direction ?  Gardons-nous les mêmes priorités ou les aléas de la vie ont-ils nécessité de changer de cap ?  Où en suis-je et où vais-je ?

En ce jour demandons à Robert, Albéric et Étienne, que l’Esprit Saint nous aide à avancer sur notre route vers une plus grande sainteté.  Que l’esprit qui les anima pour réformer la vie monastique de leur époque soit avec nous pour que nous restions fidèles au charisme cistercien.  Que la participation à cette eucharistie soit action de grâce pour la vocation à laquelle Dieu nous a appelés. 

Frère Bernard-Marie

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