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Ex 19, 2-6a; Rom 5, 6-11; Mt 9, 36- 10, 8.
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Depuis que le monde est monde, et que Dieu a pris l’humanité par la main, l’inadéquation est flagrante entre la mission que nous avons reçue, et les moyens dont nous disposons. « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux »! Il suffit, pour s’en convaincre, de relire quelques passages de l’Ancien Testament.
En effet, Dieu fait d’un couple de vieillards stériles, Abraham et Sarah, les dépositaires d’une promesse, dont ils ne verront d’ailleurs que les premières étincelles, avec la naissance d’Isaac.
De même, c’est David, un très jeune garçon, simple gardien de troupeaux, que Dieu préfère à Saül, le champion des guerriers d’Israël. Et quand le roi David s’avisera de dénombrer son peuple, la peste viendra décimer ceux qu’il croyait être en mesure de contrôler.
Nous pourrions continuer longtemps notre plongée dans les Ecritures, avec le prophète Elie, qui se retrouve tout seul, le dernier des croyants, avec Job qui perd, en une journée, tout ce qu’il avait, sans parler du choix étrange que le Seigneur fit d’Israël, le plus petit de tous les peuples de la terre, pour porter au coeur du monde sa Parole de sainteté.
« La moisson est abondante et les ouvriers sont peu nombreux », et cela continue depuis que Jésus est venu annoncer la Bonne Nouvelle en ce monde. Quelle disproportion, en effet, entre cette poignée d’hommes frustres et sans compétences particulières, et l’immensité de la tâche qui leur est confiée! Vraiment, Dieu, notre Dieu, semble définitivement fâché avec les statistiques!
Pourquoi nous étonner, alors, que l’Eglise fasse aujourd’hui encore cette même expérience? Sans doute est-ce parce que nous ne sommes pas assez familiers avec les Ecritures, parce que nous méconnaissons les habitudes singulières de notre Dieu, que nous nous émouvons, nous inquiétons. Dieu ne change pas. S’il a nourri le prophète Elie et celle qui l’a accueilli, durant des années, avec une poignées de farine; s’il a nourri cinq mille hommes avec quelques pains, c’est que nous ne sommes pas face à un accident de l’histoire, mais devant un mystère.
N’est-ce pas d’ailleurs l’expérience que nous faisons, nous-mêmes, dans notre propre vie? Lorsque tout va bien, quand nous pouvons compter sur nos réserves, nos greniers bien remplis, et que nous pouvons nous appuyer avec confiance sur nos propres forces, n’est-ce pas alors que nous oublions Dieu? Nous le prions du bout des lèvres, du bout du coeur. Au fond, nous n’avons plus besoin de lui, puisque nous pouvons compter sur nous-mêmes.
Ce qui a fait la force des premiers chrétiens, des premiers Apôtres, ce n’est ni leur courage, ni leurs compétences, ni les moyens dont ils disposaient, mais c’est comme Paul nous le rappelait dans la seconde lecture, parce qu’ils s’appuyaient sur le Christ! C’est pourquoi le rappel de Jésus, dans l’Evangile de ce jour, est toujours d’actualité. Cette disproportion entre l’étendue du champ et la pauvreté de nos forces ne doit nous conduire ni à nous lamenter, ni à rêver, mais à prier. « Priez le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson ».
Car cette moisson, ce n’est pas la nôtre, mais la sienne. Et il est bien capable de faire jaillir des coeurs les plus endurcis des fils d’Abraham, Celui qui nous a appelés à Le suivre. Et notre vocation à nous, notre mission à nous, c’est de Lui demander, sans jamais nous lasser, sans jamais nous décourager, que Son « Règne vienne », que Sa « volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». C’est Lui qui sait ce qui est bon pour nous. Soyons-en sûrs, Il aime tous les hommes, infiniment plus que nous, et Il sait ce qu’Il fait, bien mieux que nous!