L’un des termes qui revient le plus fréquemment, dans ce passage de l’Evangile de Matthieu, c’est le mot « récompense ». Jésus en fait même la motivation essentielle de celui qui jeûne, qui prie ou fait l’aumône. Nous cherchons à obtenir une récompense. Ainsi, pour Jésus, il n’y a pas d’acte gratuit. Quand nous donnons, quand nous nous privons, quand nous passons du temps en oraison, c’est que nous cherchons à nous enrichir. Nous ne faisons rien gratuitement. Si nous donnons, c’est pour recevoir. Pour Jésus, cela fait partie des évidences. Et, en cela, il balaie tout les discours idéalistes qui remplissent parfois nos livres de spiritualité.
Pour Jésus, ce n’est donc pas cette recherche d’une récompense, ce désir de bien-être, ce goût du bonheur, qui font problème. Pour Jésus, il est évident que l’homme cherche Dieu parce qu’il a soif d’être heureux. C’est pourquoi il inaugure son ministère en proclamant les Béatitudes. Mais ce qu’il met en cause, c’est notre manière de chercher le bonheur. Où le cherchons-nous? De qui attendons-nous notre récompense?
Pour Jésus, c’est précisément là que se trouve le véritable problème. Le bonheur véritable ne se trouve ni dans l’accumulation des biens, ni dans la réussite professionnelle et sociale, ni dans le regard que les autres posent sur nous. Toutes ces choses ne sont ni bonnes ni mauvaises en soi; bien souvent elles sont nécessaires, et parfois même bénéfiques, mais elles ne peuvent suffire. Pour Jésus, l’unique source du bonheur véritable et profond, auquel nous aspirons de tout notre être, c’est Dieu.
Aussi, nous invite-t-il à vivre sous le regard de Dieu, en cherchant d’abord ce qui va, en vérité, nous rapprocher de Lui. L’approbation des hommes est bien souvent illusoire et fragile. Elle peut certes flatter notre ego, mais elle ne peut édifier notre être intérieur. Car elle nous maintient à la surface de nous-mêmes, à l’affût d’une approbation, d’un sourire, d’un geste de reconnaissance. Or, la confirmation véritable, qui seule peut nous faire advenir à nous-mêmes, c’est Dieu Seul qui peut nous la donner.
Au seuil de ce carême, osons donc nous tourner vers Celui qui Seul peut nous rendre au centuple ce que nous allons lui offrir. Et n’ayons pas peur de donner. Ne nous cachons pas derrière cette prétendue misère, tellement à la mode aujourd’hui, qui nous permet de justifier si souvent notre paresse et notre négligence. Car, à Dieu, on ne donne jamais à perte. Tout ce que nous aurons fait pour Lui, soyons-en persuadés, « Il nous le revaudra »! C’est Jésus qui nous le dit.