Entrée au Noviciat de Frère Oswaldo

1er Dimanche de Carême.
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Règle de Saint Benoît, chapitre 58, 1-8.
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Saint Benoît a une façon un peu spéciale d’accueillir celui qui désire entrer au monastère. Non seulement il le laisse à la porte, quatre ou cinq jours, nous dit-il, mais il va éprouver son désir, comme l’or au feu du fondeur. Cette attitude peut nous sembler cruelle, et même irresponsable. Comment, en effet, espérer que des jeunes frappent à la porte du monastère, et qu’ils y persévèrent, si on les reçoit ainsi? La question mérite d’être approfondie. Ce passage de la Règle de Saint Benoît est-il complètement dépassé, à jeter aux oubliettes, ou contient-il, pour nous aussi, une part de vérité?
En fait, à première lecture, on a plutôt l’impression qu’il faudrait changer le titre de ce chapitre 58 qui, au lieu de s’intituler: « de la façon de recevoir les frères », devrait plutôt porter le titre suivant: « comment faire fuir les vocations »? En une leçon. Cela peut nous faire sourire, mais il y va de l’avenir de nos communautés. En effet, il n’est pas si facile que cela, aujourd’hui, avec le décalage des générations, des formations, des cultures et des mentalités, d’accueillir et de former des jeunes. On peut donc honnêtement se demander si la méthode de Benoît est toujours adaptée. Notre monde a changé, les mentalités ont changé.
Certes, tout cela est bien vrai, mais le coeur de l’homme, lui, n’a pas changé. Et Saint Benoît s’intéresse d’abord au coeur de l’homme. Il existe des constantes qui traversent les siècles et qui ne dépendent guère des contingences liées à l’évolution des sociétés et des cultures. Il nous faut donc examiner l’intention de Saint Benoît de plus près, pour comprendre ce qu’il veut nous dire.
En fait, si l’on y regarde de plus près, Saint Benoît touche à un aspect fondamental de notre être profond, il touche notre désir. Celui qui frappe à la porte du monastère exprime, par ce simple geste, son désir d’entrer, d’être agrégé à la communauté. N’est-il pas normal de chercher à obtenir ce que l’on désire? Et c’est là que Saint Benoît va entrer en action. Il commence par mettre en doute le désir de celui qui vient, il interroge ce désir, le met à l’épreuve, en brisant ce lien que nous faisons naturellement entre notre désir et sa réalisation. En doutant de notre désir, en en différant la réalisation, Saint Benoît va mettre à nu les ficelles qui nous meuvent et nous émeuvent, au plus profond de notre être. Il va nous aider, sans que nous nous en rendions compte, à passer de l’émotion éveillée par le désir à une décision mûrement réfléchie, une décision qui a dépassé les premiers enthousiasmes et les élans juvéniles.
Mais Saint Benoît va aller encore plus loin. D’une certaine façon, celui qui demande à entrer au monastère va devoir faire le deuil de son désir. Ce n’est plus lui qui décide d’entrer, mais c’est un autre qui va discerner s’il est fait pour la vie monastique. Nous sommes là dans l’aspect le plus original et le plus profond de la vision de Saint Benoît. Il ne s’agit plus de savoir ce que « je veux », mais ce que « Dieu veut ».
Nous ne mesurons pas toujours l’extraordinaire déplacement que Benoît demande ainsi au postulant qui frappe et persévère. Ce n’est plus moi, mon désir, mon attrait qui compte, mais la volonté d’un autre, le désir d’un autre, l’accueil d’un autre. Cet extraordinaire retournement, cette conversion du désir ne va pas de soi. Et c’est pourtant à cela que Benoît veut conduire le postulant. Cela se voit très clairement dans les formules de la profession. Là, il ne s’agit plus d’exposer mon désir, mais de demander humblement à être accueilli.
Cher Frère Oswaldo, avant de demander d’être accueilli en communauté aujourd’hui, tu as parcouru un long chemin qui n’a pas été tous les jours facile. Si la Providence a voulu que tu entendes parler de la fondation des Seychelles dans ton pays, l’Île Maurice, si elle a voulu que nous nous rencontrions durant ton stage à Maromby, et si le film de Dany Boon, « Bienvenue chez les chtis », à fait fondre te dernières craintes concernant notre « Nord », tu as aussi fait l’expérience que notre accueil n’était pas toujours à la hauteur de tes attentes! Mais comme le Seigneur fait tout concourir à notre bien, cela t’a permis de découvrir que c’est d’abord pour le Seigneur, et uniquement pour Lui que tu es venu.
Cela ne nous dispense pas de faire des progrès dans notre manière d’accueillir et d’encourager les jeunes qui viennent frapper à notre porte. Et je compte sur toi pour nous y aider, puisque désormais cette maison est la tienne. Quant à nous, en te recevant comme novice dans cette communauté de Sainte Marie du Mont des Cats, nous nous engageons à te donner le meilleur de ce que nous avons nous-mêmes reçu de ceux qui nous ont précédés. La vie monastique est une vie qui se transmet d’homme à homme, de génération en génération. Ensemble, choisissons la vie, en vivant cette belle vocation qui est la nôtre, comme nous y invite le Seigneur, en ce temps de Carême.
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