Cinquième Dimanche du T.O.

Jésus y va fort. « Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde ». On se contenterait volontiers d’un peu moins : la terre c’est grand, et le monde aussi ; et moi, je suis bien petit.
Mais, en fait, dans ces paroles, s’agit-il vraiment de ce petit moi qui fait la personne que je suis ? Jésus vient de présenter juste auparavant ses voies de bonheur, ses béatitudes. Elles ont un goût surprenant. En effet c’est à des expériences de manque, de dépouillement de soi, d’engagement risqué en faveur d’autrui que Jésus promet le bonheur. Un bonheur qui n’est pas une chose, un gain matériel, un profit, mais qui est en dernier ressort l’accueil de la joie de Dieu. Alors, cet homme heureux est plus que lui-même, il est un homme en Dieu, un homme  habité par Dieu. Alors, quoi d’étonnant qu’il soit sel sans limite, sel jusqu’au bout de la terre ; et quoi d’étonnant que sa lumière éclaire jusqu’aux confins du monde ! De tels êtres, il n’y en a pas beaucoup, mais il y en a, et encore de nos jours.
Du sel de Dieu qui nous habite, de la lumière de Dieu qui nous a illuminés, que faisons-nous ? Bien sûr, le contexte autour de nous est souvent par bien des côtés assez noir. Cependant cela n’enlève rien à ce qu’est le sel, à ce qu’est la lumière. L’évangile évoque pourtant un risque qui a l’air assez important : que « le sel se dénature », qu’il s’affadisse ; et que « la lumière soit mise sous le boisseau ». Voilà le sel et la lumière mis par nous hors d’état de nuire. Et la terre et le monde, et moi-même aussi pouvons ronronner tranquilles, ou plutôt continuer nos routes sans question, sans perturbation.
Le sel et la lumière de Dieu ne sont pourtant pas des agitateurs dangereux, frénétiques. Leur action n’a rien de fracassant. La saveur de l’un, l’éclat de l’autre se répandent en chacun, de façon toute naturelle. Mais il est vrai que, de soi, rien ne les arrête : ils ne peuvent que se répandre, gagner de proche en proche.
C’est ce qu’a fait la parole de S. Paul à travers tout l’univers romain. Pas de coup d’éclat, dit-il, pas de prestige, pas de discours extraordinaires. Non, rien. « C’est dans la faiblesse, craintif et tout tremblant que je suis arrivé chez vous », et ce qu’il disait n’avait rien des grands discours qui veulent convaincre, emporter les foules.
Mais ce qui l’habitait, c’est l’Esprit Saint et sa puissance, comme il le dit aux Corinthiens dans la 2ème lecture. Et s’il a rayonné, ce n’est pas lui mais l’Esprit de Dieu qui le faisait vivre. Or, rien n’arrête l’Esprit Saint répandu par le Père. Si nous laissons l’Esprit conduire nos vies, lui qui est amour du Père et du Fils, alors rien n’arrêtera jamais ce sel et cette lumière : ils gagneront la terre et le monde, et les emporteront aux cieux : en Dieu qui nous a faits pour cela même.
Ce contenu a été publié dans Homélies 2011. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.