Vingt-septième Dimanche

La cité de la terre, la cité de Dieu

Deux amours ont bâti deux cités :
l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, la cité de la Terre,
l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la cité de Dieu.
L’une se glorifie en soi, et l’autre dans le Seigneur.
L’une demande sa gloire aux hommes,
l’autre met sa gloire la plus chère en Dieu, témoin de sa conscience.
L’un, dans l’orgueil de sa gloire, marche la tête haute ;
l’autre dit à son Dieu : ‘Tu es ma gloire et c’est toi qui élèves ma tête.’
(Saint Augustin, La Cité de Dieu, XIV,28,1)

C’est ainsi que Saint Augustin présente la différence entre la cité de Dieu, la cité du ciel vers laquelle nous tendons, et la cité de la terre dans laquelle nous vivons.  Jésus fait dans la parabole que nous venons d’entendre, un parallèle entre les deux « cités ».  Mais le but du serviteur envers son maître n’est pas le même que le but du croyant envers son Dieu. 

Le maître commande à son serviteur selon ses propres besoins, et pour son bien-être à lui, sans vraiment se soucier de son serviteur.  Il trouve normal que celui-ci soit à son service, du matin au soir, et il lui enlève tout droit de le contester.  Pour sa paix et non pour son épanouissement, le serviteur s’exécute sans discuter.  Tel est le serviteur décrit par Jésus, à une époque où les esclaves avaient un statut inférieur et n’avaient aucun droit.  C’est ce que Saint Augustin appelle l’amour de soi au mépris de Dieu… et des autres.

Dieu n’agit pas de la sorte avec ses serviteurs.  La relation est une relation d’amour, de confiance, de respect l’un pour l’autre.  Le serviteur met sa confiance en son Dieu, sachant combien il est aimé de son Seigneur.  Dieu nous donne la grâce de mener à bien les tâches qu’Il nous demande.  Même si parfois la tâche est rude, l’accomplissement de la volonté de Dieu épanouit de manière toute particulière.  Celui qui se conforme à la volonté de Dieu sur lui, qui respecte les lois divines et les enseignements des Écritures, Dieu ne le laisse pas tomber.  Pour un tel homme, la gloire de Dieu passe avant la gloire humaine.  C’est ce que Saint Augustin appelle l’amour de Dieu et le mépris de soi.  Mépris de soi ne signifie pas qu’on se néglige, qu’on s’humilie à souhait.  Non, l’amour de Dieu remet l’homme à sa juste place, celle d’une créature qui a tout reçu de Dieu et qui attend tout de Dieu. 

Comme le dit le prophète Habacuc dans la première lecture, ‘l’amour de soi et le mépris de Dieu’ conduisent au pillage et à la violence, dispute et discorde se déchaînent.  Habacuc, l’ami de Dieu, désespère de retrouver un monde de paix et de bonheur.  Et Dieu lui répond :
Celui qui est insolent n’a pas l’âme droite, mais le juste vivra par sa fidélité.

Voilà la paix et la sérénité qui nous viennent de la connaissance de Dieu et de sa Loi d’amour.  Saint Paul, dans l’extrait de la seconde lettre à Timothée que nous avons entendue, ne nous enseigne pas autre chose, lorsqu’il écrit :
Ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné,
mais un esprit de force, d’amour et de raison.

Voilà la grâce que donne le Seigneur à ceux qui se fient en Lui.  Esprit de force et d’amour, voilà ce que nous recevons lorsque nous sommes, constructeurs de la Cité de Dieu.  Et Paul de préciser à son disciple Timothée :
N’aie pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur.

Il ajoute ensuite que nous devons témoigner et vivre dans la foi et dans l’amour que nous avons en Jésus-Christ.  C’est une autre définition de la Cité de Dieu, notre but ultime.  Mais nous ne l’atteindrons qu’après avoir terminé notre pèlerinage terrestre.  Alors, contrairement au maître de la cité terrestre, Jésus affirme à propos du Maître de la cité de céleste :
En vérité, je vous le dis, il se ceindra, les fera mettre à table
et, passant de l’un à l’autre, il les servira. (Lc 12,37)

Demandons à Dieu, en cette eucharistie, la force nécessaire pour témoigner de notre foi dans toutes les circonstances que la vie nous offre.  Soyons des amoureux de Dieu, participants à la construction de la cité de Dieu.  Jésus, en nous donnant son corps à manger et son sang à boire, nous invite à vivre de son enseignement sur nos chemins terrestres.  Une fois notre pèlerinage sur terre achevé, Il nous accueillera dans la gloire éternelle et nous chanterons sans fin devant la face de Dieu notre Père. 

Frère Bernard-Marie

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