Vingt-quatrième Dimanche du T.O.

Nul ne vit pour soi-même.

Lorsque Jésus nous raconte la parabole du serviteur impitoyable… nous ne savons pas très bien quelle est la fonction du Roi.  En effet, une fois le parallèle établi entre le Royaume de Dieu et le Roi, il n’est plus question que d’un maître et ses serviteurs.  Jésus quitte la salle du trône royal pour nous faire entrer dans la relation plus intime entre le maître d’un domaine et tous ceux qui travaillent à son service. 

Cela n’empêche pas que la dette du premier serviteur est colossale…  Il ne pourra de toute façon jamais la rembourser, à plus forte raison s’il est emprisonné avec femme et enfants.  Nous ignorons tout de la manière à laquelle le serviteur a amassé une telle dette.  Probablement qu’il a vécu plus qu’au-dessus de ses moyens.  Il a peut-être voulu bâtir une ville en l’honneur du roi, comme faisaient les princes locaux pour avoir la faveur de l’empereur César.  Mais ne pouvant réclamer des impôts à ses concitoyens… le voilà réduit à la plus grande misère. 

Certains sont prêts à tout pour obtenir les faveurs des grands de ce monde.  C’était vrai du temps de Jésus, alors que les fils d’Hérode le Grand construisaient les villes de Tibériade, Césarée de Philippe, Césarée Maritime… en l’honneur de l’empereur romain…  Ce n’est pas impossible que Jésus a utilisé un scandale dont parlait tout le monde pour illustrer a contrario ce que sera le Royaume des Cieux. 

Combien de personnes cherchent d’une manière ou d’une autre à ce que leur nom reste connu après leur mort, et tous les moyens sont bons pour arriver à leurs fins.  Mais que cherchent-ils exactement ?  Est-ce que sa vie aura eu plus de poids si les générations suivantes se souviennent de lui en admirant le « mémorial » qu’il s’est fait construire – trop souvent aux dépens des autres ?  Saint Paul dans l’extrait de l’épître aux Romains que nous avons entendu répond à cette question, en remettant les choses à leur place :
nul d’entre nous ne vit pour soi-même, et nul ne meurt pour soi-même :
si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ;
si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur.

C’est cela le cœur de notre foi.  Inutile de se construire un mémorial, de faire tant et tant de choses pour être connu, reconnu, respecté.  Les grands de ce monde comme les petites gens, tous nous sommes égaux pour le Seigneur.  Comme nous l’a rappelé la première lecture de ce jour :  
Pense à ton sort final et renonce à toute haine,
pense à ton déclin et à ta mort, et demeure fidèle aux commandements.

Car, comme nous le dit encore le Siracide :
Si un homme nourrit de la colère contre un autre homme,
comment peut-il demander à Dieu la guérison ?
Lui qui est un pauvre mortel, il garde rancune ;
qui donc lui pardonnera ses péchés ?

Face à la mort et au jugement de Dieu, nous sommes tous égaux.  Autant essayer de vivre en bonne harmonie et fraternité, cela rendra notre existence d’autant plus agréable. 

Mais si l’on cherche à briller, à s’imposer, c’est trop souvent aux dépens de notre prochain.  Nous en arrivons alors à ne plus penser qu’à nous-mêmes, et nous oublions combien Dieu nous aime, combien Il nous a déjà pardonné, et combien Il nous demande de pardonner à notre tour.  C’est ce que la parabole de Jésus nous rappelle.  Le serviteur à qui son maître vient de solder sa dette refuse de traiter son compagnon de la même manière qu’il a été traité.  Il reste braqué sur lui-même et le tort que son compagnon lui fait, sans prendre en considération la bonté de son maître. 

Nous de même, souvenons-nous de tout ce que Dieu a fait pour nous.  Rappelons-nous les propos de Saint Paul :
Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ;
peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien.
Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous,
alors que nous étions encore pécheurs.  (Rm 5,7-8)

Le Christ nous a remis, d’avance, les dix mille talents… 
Pourquoi ai-je tant de mal à remettre à mon frère ses 100 pièces d’argent ?
Lui qui est un pauvre mortel, il garde rancune ;
qui donc lui pardonnera ses péchés ?

Et Jésus de rappeler aussi :
Mets-toi vite d’accord avec ton adversaire pendant que tu es en chemin avec lui,
pour éviter que ton adversaire ne te livre au juge, le juge au garde,
et qu’on ne te jette en prison.  (Mt 5,25-26)

Là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. 
C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera,
si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur.

Demandons à Jésus, dans cette Eucharistie, la grâce du pardon mutuel et la découverte, toujours nouvelle, que Dieu nous aime d’un amour qui dépasse tout ce que l’on pourrait imaginer.

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