Vingt-huitième Dimanche T.O.

Les invités au repas des noces.

Souvent dans les Évangiles nous voyons Jésus attablé à un repas de fête.  Parfois c’est pour lui l’occasion de donner un enseignement sur le monde à venir.  D’autres fois Il réplique simplement à ses contradicteurs qui lui reprochent d’aimer la bonne chère.  L’Évangile de ce matin ne déroge pas à ces règles, puisque Jésus nous y décrit le ciel où Dieu le Père invite tout un chacun aux noces de son Fils.
Quelle est l’Épouse de ce Fils du Roi du ciel ?  Pour les interlocuteurs de Jésus, il s’agissait bien évidemment du Peuple lui-même.  Les Juifs se souvenaient avec fierté qu’ils avaient été choisis par Dieu pour être « Son » Peuple, le peuple Élu, le Peuple qui Le servirait dans la fidélité jusqu’à la fin des temps.  Rappelons-nous combien de fois, Dieu promet au peuple :
Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple
. (Ez 11,20)
Cette relation privilégiée du Peuple leur accordait, pensait-il, un droit sur la religion, on pourrait dire un droit sur Dieu Lui-même.  Être le Peuple Élu, la nation sainte choisie par le Seigneur, le peuple à qui avaient été donnés les Patriarches, les Prophètes, la Terre de la Promesse, le Temple et tout le reste… (cf Rm 9,4-5) de quoi se sentir, oui, une race à part qui a ses entrées dans le Palais du ciel.
Mais voilà que tous les invités se récusent lorsque la noce est prête.  L’un s’en va à son champ, l’autre à son commerce, le troisième vient lui-même de se marier… toutes de bonnes excuses, mais que le roi n’accepte pas, et pour cause.  Toute l’Histoire Sainte est scandée par l’appel de Dieu et le refus du peuple.  Prenons par exemple le prophète Osée :
Quand Israël était jeune, je l’aimai, et d’Égypte j’appelai mon fils.
Mais plus je les appelais, plus ils s’écartaient de moi ;
aux Baals ils sacrifiaient, aux idoles ils brûlaient de l’encens.
Et moi j’avais appris à marcher à Éphraïm, je le prenais par les bras,
et ils n’ont pas compris que je prenais soin d’eux !
(Os 11,1-3)
Face à son infidélité, Israël subit des châtiments envoyés par le Seigneur.  Que ce soient les querelles entre frères, les guerres contre les voisins ou les ennemis ou encore l’exil…  C’est ce que Jésus dans la parabole de ce matin décrit comme la colère du roi qui s’en va châtier les récalcitrants.  Mais, expliquent d’ailleurs les prophètes, Israël ne fut jamais complètement exterminé :
un reste reviendra
(Mi, Za, …),
un rejeton sortira de la souche de Jessé
(Is 11,1)
D’autres furent appelés à remplacer les pécheurs, et certains expliquent, avec Saint Paul, que les chrétiens sont le Peuple Nouveau choisi par Dieu.  Interprétation risquée qui pourrait nous inciter à nous enorgueillir à notre tour de notre élection…
C’est pourquoi Saint Paul écrit aux chrétiens de Rome :
si leur mise à l’écart fut une réconciliation pour le monde,
que sera leur admission, sinon une résurrection d’entre les morts ?
(Rm 11,15)
Et aux Corinthiens il montre que, oui, nous les chrétiens, nous sommes facilement assimilables aux pauvres et aux estropiés de la parabole de Jésus :
Considérez votre appel : il n’y a pas beaucoup de sages selon la chair,
pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de gens bien nés.
Mais ce qu’il y a de fou dans le monde,
voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages
(1Co 1,26-27)
Nous n’avons donc aucune gloire à tirer de notre appel, de notre vocation chrétienne, même de notre vocation monastique.  Nous avons été invités aux noces, nous avons répondu à l’invitation.  Mais gardons-nous de juger qui que ce soit, ni nous-mêmes ni nos proches, ni ceux qui n’ont pas répondu de la même manière que nous à cet appel.
En effet, ce n’est pas non plus parce que nous avons été invités aux noces que nous sommes sûrs de la récompense.  C’est ce qui arriva à l’homme qui n’avait pas revêtu l’habit des noces.  Même les pauvres, les estropiés, les infirmes, les errants des coins des rues ne peuvent se prévaloir d’un quelconque droit au repas.  C’est ce que Saint Paul rappelle encore aux Romains :
Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu : sévérité envers ceux qui sont tombés, et envers toi bonté, pourvu que tu demeures en cette bonté ; autrement tu seras retranché toi aussi.
(Rm 11,22)
Demeurons en cette bonté de Dieu, écoutons sa Parole, vivons selon ses enseignements, et nous aurons l’habit de noce lorsqu’Il viendra saluer les invités.  Que la participation à l’Eucharistie de ce dimanche nous purifie de nos fautes et nous aide à vivre toujours davantage sous le regard aimant de Dieu.

Frère Bernard-Marie (Abbaye de Belval)

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