Trente-troisième Dimanche du Temps Ordinaire

Il n’en restera pas pierre sur pierre.

Le Temple de Jérusalem, construit par le roi Salomon et embelli au cours des siècles suivants, aurait bien pu faire partie des sept merveilles du monde antique.  Après la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor, ce Temple fut détruit et tout l’or qui le recouvrait et tous les ustensiles en or furent emportés comme prise de guerre et déposés dans le trésor de Babylone.  C’était en 600 avant Jésus-Christ.
Ce temple fut reconstruit sous le roi Darius par l’intermédiaire d’Esdras et de Néhémie, comme nous le lisons dans les Livres de la Bible à eux attribués.  C’est ce second Temple que le roi Hérode le Grand, qui mourut peu après la naissance de Jésus, avait décidé d’embellir pour lui rendre sa splendeur d’antan.
C’est ce Temple aussi dont il est question dans la réplique des Juifs à Jésus dans l’Évangile de Jean : Il a fallu 46 ans pour bâtir ce Temple, et toi, en trois jours, tu le relèveras ! (Jean 2,20).  Du temps de Jésus donc, le Temple de Jérusalem avait retrouvé sa grandeur et, même s’il n’égalait pas la splendeur du premier, il était la gloire de tout le peuple Juif.
C’est dans cette ambiance que les disciples s’émerveillent devant la construction et que Jésus répond : il n’en restera pas pierre sur pierre.  Voilà de quoi surprendre, tant les disciples, que tous ceux qui suivent Jésus et écoutent sa Parole.  L’évangéliste ne veut pas seulement appliquer cette parole mystérieuse de Jésus à l’actualité catastrophique que fut la destruction du Temple par les armées romaines sous l’autorité de Titus.  L’évangile fut écrit historiquement après cet événement, mais Jésus voulait dire autre chose lorsqu’il prononça cette phrase.
Le temple fut détruit.  La liturgie du temple et les sacrifices s’arrêtèrent.  Pour le judaïsme ce fut une catastrophe, un deuil national qui est célébré chaque année jusqu’à ce jour.  Mais la religion doit-elle se plier aux temples et à leurs liturgies ?
Rappelons-nous la réponse que Jésus fit à la Samaritaine dans l’Évangile selon Saint Jean : l’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père (Jean 4,21).
L’important pour Jésus, n’est pas de célébrer les rites ancestraux, à Samarie ou à Jérusalem, mais l’important c’est d’adorer le Père en esprit et en vérité.  Adorer le Père, voilà la vraie religion.  La beauté des temples, la grandeur des églises, l’ampleur des rites, tout cela est accessoire et voué à disparaître.
Les bâtiments, aussi beaux soient-ils, ne sont là que pour nous aider à entrer en relation avec Dieu.  Ils ne sont qu’un instrument parmi d’autres.  Ils ne sont pas la garantie que Dieu est présent, ils ne sont pas la garantie que nous sommes présents à Dieu en y entrant.
Rappelons encore l’humilité du roi Salomon lui-même lors de la dédicace du premier Temple, lorsqu’il s’adressait à Dieu dans sa prière : Est-ce que, vraiment, Dieu habiterait sur la terre ? Les cieux et les hauteurs des cieux ne peuvent te contenir : encore moins cette Maison que j’ai bâtie ! (1R 8,27)
Nous avons célébré la semaine dernière la fête de la Dédicace de la Basilique du Latran.  Toute la liturgie et les lectures insistaient sur l’importance non pas des pierres matérielles, mais des pierres vivantes que sont les croyants rassemblés en Église.  Jésus disait du Temple : Il ne restera pas pierre sur pierre.  Mais de l’Église Corps du Christ, nous savons que la tête, le Christ, est déjà dans les cieux et que le corps que nous formons continue à marcher sur cette terre.
Ne nous lamentons donc pas si la matérialité des bâtiments religieux ne survit pas à travers les siècles.  L’important est que l’église spirituelle, l’Église corps du Christ, grandisse jusqu’à sa pleine mesure et que tous ses membres entrent dans la Jérusalem Nouvelle, la Jérusalem céleste où nous verrons Dieu notre Père face à face.
Demandons au Seigneur dans cette Eucharistie de devenir toujours davantage pierre vivante de l’édifice spirituel de l’Église et d’avoir un jour part au festin éternel dans son Royaume.

Frère Bernard-Marie

 

Ce contenu a été publié dans Homélies 2016. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.