Solennité du Sacré-Coeur

Dieu est amour

En la fête du Cœur Sacré de Jésus nous sommes invités à méditer jusqu’où a été l’amour de Dieu pour les hommes. Les lectures nous parlent de Dieu, berger de son peuple, prenant soin de ses brebis, prenant un soin tout particulier des plus faibles. Même si la fête du Sacré-Cœur est parmi l’une des dernières à avoir été instituées dans l’Église, depuis de nombreux siècles on méditait cet amour de Dieu et on cherchait comment répondre, à taille humaine, à cet excès d’amour divin.
Saint Bernard a marqué la spiritualité monastique de son époque, et nous en vivons encore à ce jour. Ses œuvres mystiques ont marqué durablement l’Église tout entière. Lorsque nous ouvrons son Traité de l’Amour de Dieu, nous ne pouvons qu’être frappés par la concision avec laquelle Bernard affirme :
la raison d’aimer Dieu, c’est Dieu même,
la mesure d’aimer Dieu, c’est de l’aimer sans mesure.

Un siècle plus tard (entre 1250 et 1300), des moniales cisterciennes ont repris le flambeau et donné davantage de couleur à la relation amoureuse entre Dieu et l’âme du croyant. Sans faire un cours d’histoire de la spiritualité, mentionnons parmi les hérauts de l’amour de Dieu parmi les religieuses : les trois saintes moniales de Helfta en Germanie, Gertrude et Mechtilde de Hackeborn et Gertrude de Helfta. À la même période plus près de chez nous la Bienheureuse Béatrice de Nazareth dans le Duché du Brabant et Sainte Julienne du Mont Cornillon dans la Principauté de Liège qui est mentionné dans notre Ménologe.
Arrêtons-nous un moment sur Béatrice de Nazareth, qui est connue pour avoir écrit une œuvre mystique en sa langue maternelle (le moyen-néerlandais), alors qu’elle était âgée de 35 ans. Le titre de l’œuvre est : Des Sept manières du Saint Amour. Le sous-titre de l’œuvre est le suivant :
Sept sont les manières d’aimer
qui viennent des cimes et y retournent,
œuvrant activement vers le Très-Haut.

Saint Bernard, dans le 4ème Sermon sur le Cantique écrivait un siècle plus tôt :
L’amour vient de Dieu et retourne à Dieu (S.Ct. 4,1).

En ce jour de la fête du Sacré-Cœur, écoutons ce que Béatrice dit dans la quatrième manière d’aimer :
Il arrive parfois que l’amour soit doucement engendré dans l’âme
et s’y éveille en joie et se trouve bien alors dans le cœur,
sans aucune intervention de quelconque action humaine.
Et alors ce cœur est si tendrement touché d’amour
et si ardemment attiré vers l’amour
et tellement saisi jusqu’au cœur à cœur par l’amour
et si violemment subjuguée par l’amour,
et tellement suavement embrassé en amour,
qu’elle (l’âme) est toute vaincue dans l’aimer. (16-17)

L’amour que Béatrice exprime dans ce texte rappelle la Parole de Dieu entendue dans la première lecture tirée du Prophète Ézéchiel ainsi que dans l’Évangile de ce jour de fête.
L’amour de Dieu est infini et Dieu cherche par tous les moyens à rappeler à Lui, par amour, tous les hommes. Dieu prend sur ses épaules la brebis égarée et la ramène à la bergerie. L’âme qui se laisse tendrement toucher par l’amour en est subjuguée, transformée, en est toute vaincue, nous dit Béatrice.
Et plus loin, Béatrice rapporte sa propre expérience lorsqu’elle écrit :
Lorsque l’épouse de Notre Seigneur (= l’âme) a progressé et est grimpée plus haut en croissante vaillance, alors elle (…) ressent que l’amour a vaincu en elle toutes ses résistances et que le Seigneur a guéri ses défauts et qu’il l’a prise entièrement en mains, sans qu’elle renâcle, de telle manière qu’il domine son cœur avec assurance et qu’il en a paisible jouissance et qu’il doit le faire manœuvrer en souplesse. (29)
Dans ces textes, nous nous retrouvons à imaginer l’amour infini que Dieu nous prodigue et qu’Il nous invitera à expérimenter dans les cieux. Reconnaissons, en cette fête du Sacré-Cœur, que Dieu nous a montré son plus grand amour dans l’Incarnation, la vie et la mort de Jésus. Ouvrons-nous à cet amour infini. Demandons à Jésus de nous ouvrir son cœur. Peut-être nous nous donnera-t-il la grâce de vivre, comme Béatrice et nombre de nos auteurs cisterciens, quelques expériences du saint amour.
Que la participation à la célébration eucharistique de ce jour nous donne un avant-goût de cet amour qui est doucement engendré dans notre âme…

Frère Bernard-Marie

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