Solennité de Saint Benoît, père des moines

La vie spirituelle selon Saint Benoît.

Lorsque Saint Benoît quitte la ville de Rome, ce n’est pas d’abord pour fuir le monde des affaires, des plaisirs, de l’ambition. Déjà il est interpellé par Dieu et veut le chercher avant tout. Comme le relate Saint Grégoire le Grand dans la vie de Benoît qu’il écrivit :
Méprisant donc l’étude des lettres, il se mit en quête d’un genre de vie sainte. 
Aussi se retira-t-il, savamment ignorant et sagement inculte. (Vie, Introduction)

Après s’être mis au service du curé d’Effide, écrit encore Saint Grégoire :
plus désireux de souffrir les maux du monde que ses louanges, de se fatiguer dans les travaux de Dieu plus que d’être promu aux faveurs de cette vie, (il) quitta sa nourrice en secret et gagna une retraite située dans un lieu désert appelé Subiaco (Vie, I,3).

Peu de temps après Benoît, vivant toujours dans la plus grande solitude, seulement nourri par les bons soins du moine Romain, reçut la visite d’un prêtre avec un repas de fête. Celui-ci dit à Benoît en arrivant :
 » Lève-toi et prenons de la nourriture car c’est Pâques aujourd’hui « . 
À quoi l’homme de Dieu répondit : 
 » Je sais que c’est Pâques puisque j’ai mérité de te voir « . (Vie, I,7)

C’est fête, dit Benoît, parce que Dieu lui a envoyé quelqu’un dans sa solitude. Tout entier dans sa prière solitaire, chaque événement qui sort de l’ordinaire est action de grâce, toujours parce que c’est le Christ ressuscité par sa Providence qui visite ceux qui L’aiment.

La solitude de Benoît n’a pas duré et il s’est retrouvé à la tête de plusieurs petites communautés de moines à Subiaco. De là, il est parti avec les plus jeunes, pour fonder un monastère au Mont Cassin, situé plus au Sud dans la botte Italienne. C’est en ce lieu béni qu’il a mis la dernière main à la petite règle pour débutants (RB 72), qu’on appelle aujourd’hui la Règle de Saint Benoît. C’est en ce même lieu qu’il a terminé sa vie.

Dans sa règle, Saint Benoît ne propose qu’une seule échelle, celle de l’humilité. Il ne parle nulle part d’un éventuel parcours spirituel pour ses moines. La prière est décrite de manière systématique voire pointilleuse pour ce qui regarde les offices liturgiques. Quant à la prière personnelle, que nous appelons l’oraison ou la prière silencieuse, Benoît n’en parle qu’accessoirement. Et encore, il met en garde contre des temps trop longs en communauté, au risque de fatiguer certains. Mais en-dehors des Heures canoniques, il permet aux moines de prolonger leur prière personnelle dans l’oratoire.

Des fruits spirituels possibles, probables, voire souhaités, de cette organisation minutieuse de la vie cénobitique, rien n’est dit… Benoît décrit avec minutie le cadre qu’il propose. La pratique de la vie monastique implique que nous respections ce cadre. Les fruits que nous pouvons en espérer, en attendre, ne sont pas décrits. Pourtant, Saint Benoît les a connus lui-même, comme nous le rapporte Saint Grégoire :
dans sa contemplation, une chose tout à fait admirable s’ensuivit car le monde entier, comme rassemblé sous un seul rayon de soleil, fut offert à ses yeux.

Et le pape de commenter :
Pour l’âme qui voit le Créateur, toute créature paraît bien exiguë. En effet bien que cette âme n’ait contemplé qu’un faible rayonnement de la lumière du Créateur, tout le créé se réduit pour elle à de petites proportions, car par la lumière elle-même de cette vision intime, le sein de son esprit s’élargit et son cœur grandit tellement en Dieu qu’il se tient élevé au-dessus du monde. (Vie, XXXV,3.6)

La prière, la vie contemplative, ne sont pas l’apanage des moines. Il n’est pas rare aujourd’hui de rencontrer des personnes vivant dans le monde qui s’inspirent de la Règle de Saint Benoît pour leur vie de prière. Mais, plus que pour ces derniers, la Règle est écrite pour aider les moines à atteindre un degré d’union à Dieu. Notre cadre de vie, avec ses temps de prière, de lectio divina, de travail et de vie fraternelle, est propice à une expérience spirituelle. Sainte Thérèse d’Avila, après avoir décrit par le menu les nombreuses demeures du Château Intérieur, insiste auprès de ses sœurs pour qu’elles ne cherchent pas à situer géographiquement, si l’on peut dire, où elles en sont dans leur itinéraire spirituel.

La vie spirituelle est une expérience tellement individuelle qu’il est difficile de la chosifier. C’est pourquoi Saint Benoît n’en parle pas. Mais reconnaissons que notre cadre de vie est propice pour avancer toujours plus et vivre à notre tour cette expression qui lui est chère : Ne rien préférer à l’amour du Christ. (RB 4)

Et Benoît conclut sa Règle avec cette invitation solennelle :
Qui que tu sois donc qui te hâtes vers la patrie céleste, 
accomplis, avec l’aide du Christ, cette petite règle pour débutants, 
alors, sous la garde de Dieu, tu parviendras à ces plus hauts sommets 
de doctrine et de vertu. (RB 72)

Cela rappelle ce qu’il écrivait dans le Prologue :
À mesure qu’on progresse dans une sainte vie et dans la foi, le cœur se dilate, 
et c’est avec une indicible douceur d’amour que l’on court 
dans la voie des commandements de Dieu. (RB Prol)

En ce jour de fête, demandons à Dieu dans cette Eucharistie la grâce de suivre l’exemple et les enseignements de Saint Benoît pour pour avoir part, nous aussi, à la vie éternelle dans son Royaume.

Frère Bernard-Marie

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